Jeudi, le gouvernement de coalition Parti socialiste (PSOE) et Podemos a arrêté au moins six personnes lors de perquisitions dans la ville de Cadix, dans le sud de l’Espagne. Le gouvernement les accusait de «troubles à l’ordre public, de causer des dommages, de causer des blessures et d’attaquer les forces de l’ordre». Les accusations portent sur des actions qui auraient eu lieu pendant la puissante grève des métallurgistes dans cette ville à la fin du mois de novembre.
Les grévistes de Cadix ont affronté la police anti-émeute envoyée par le gouvernement «progressiste» PSOE-Podemos, qui les a agressés à coups de gaz lacrymogènes, de matraques et de balles en caoutchouc. Lorsque les travailleurs et leurs partisans sont descendus dans la rue pour défendre la grève, le gouvernement a déployé un BMR (Véhicule blindé moyen sur roues) de 15 tonnes, qui a été surnommé la «tankette».
Les arrestations de jeudi ont été effectuées parmi les travailleurs du quartier de San Pedro, l’une des zones traversées par le BMR pendant la grève, percutant les obstacles dans la rue. De nombreux habitants ont crié des slogans dénonçant l’usage du véhicule blindé depuis les balcons de leurs maisons.
Au moins un des travailleurs arrêtés a été saisi par la police alors qu’il emmenait sa fille à l’école, laissant sa femme consoler la fillette de cinq ans terrifiée devant les portes de l’école. D’autres ont été emmenés de chez eux aux premières heures du matin, sans qu’on leur explique les raisons de leur arrestation, a déclaré un métallurgiste de Cadix à elDiario.es.
Les arrestations effectuées par le gouvernement PSOE-Podemos sont une tentative flagrante de punir les travailleurs qui exercent leur droit de grève et d’intimider ceux qui envisagent de le faire. Cela démasque complètement le caractère droitier de ces deux partis. Après avoir attaqué les travailleurs de Cadix avec une violence militarisée pendant la grève, le PSOE et Podemos tentent maintenant désespérément d’empêcher toute nouvelle action de grève militante en faisant de ces travailleurs un exemple.
En cela, ils sont pleinement soutenus par leurs laquais des syndicats. Après avoir vendu les travailleurs de Cadix, les syndicats corporatistes, menés par les Commissions ouvrières (CCOO) liées à Podemos et l’Union générale des travailleurs (UGT) alignée sur le PSOE, se sont précipités pour démobiliser ou annuler les grèves dans tout le pays, terrifiés à l’idée que le militantisme des travailleurs puisse échapper à leur contrôle.
Mais malgré les tactiques d’intimidation du gouvernement PSOE-Podemos et les renoncements répétés des bureaucraties syndicales, les travailleurs restent déterminés à se battre. De nombreuses grèves sont prévues en Espagne au cours du mois prochain, notamment dans les secteurs du transport et de la logistique. Cette nouvelle vague de luttes intervient dans un contexte de recrudescence de la lutte de classe à l’international, avec notamment des grèves des ouvriers de l’automobile et de l’alimentaire comme chez Kellogg’s aux États-Unis, des travailleurs du transport au Royaume-Uni et en Inde, et de la santé au Sri Lanka et en Turquie.
En Espagne, le personnel au sol et le personnel navigant de la compagnie aérienne EasyJet, ainsi que l’entreprise de manutention de fret Menzies, participeront à des grèves illimitées tous les vendredis et samedis à partir du 17 décembre, en opposition aux plans de licenciement d’environ 20 pour cent des effectifs durant la pandémie. Une manifestation contre les licenciements massifs organisée à l’aéroport de Málaga, le 13 décembre, a attiré plus de 100 travailleurs.
Le 12 janvier, les agents de nettoyage de l’aéroport de Madrid-Barajas lanceront une grève illimitée contre les mauvaises conditions de travail. L’employeur, Sacyr Facilities, a maintenu 70 pour cent du personnel de l’aéroport en congé, malgré une augmentation significative du trafic aérien depuis le début de la pandémie ; cela a entraîné une grave pénurie de personnel à l’aéroport et une charge de travail impossible pour les travailleurs restants.
Un arrêt de travail des chauffeurs routiers de tout le pays est également prévu entre le 20 et le 22 décembre, bien que certains appellent à une action de grève à durée indéterminée. Les routiers réclament de meilleures conditions de travail, notamment la construction d’aires de repos sûres et la limitation du nombre de chargements et déchargements qu’ils sont censés effectuer. Ils protestent également contre les faibles compensations, dans un contexte où la hausse du prix du carburant et les projets de routes à péage «Eurovignette» réduisent les salaires réels.
Cette grève a reçu un large soutien de la part des chauffeurs routiers. Les estimations du secteur indiquent qu’environ 95 pour cent des 21.000 camions de la région de Galice ne circuleront pas les jours de grève. Les 5 pour cent de véhicules restants seront actifs afin de permettre aux fournitures essentielles d’atteindre les pharmacies et les hôpitaux.
Environ 2.000 travailleurs administratifs et de maintenance de la société espagnole de contrôle du trafic aérien Enaire devaient également faire grève les 23 et 26 décembre. Mais la grève a été annulée jeudi par l’UGT, les CCOO, l’USO (Union syndicale ouvrière) et la CSPA (Confédération des syndicats professionnels de l’aéronautique). Soucieux de limiter l’impact de la grève, les syndicats avaient déjà refusé d’appeler les contrôleurs aériens à soutenir leurs collègues administratifs.
On avait appelé à la grève pour réclamer le rétablissement de la prime de productivité à partir de 2020. Celle-ci était incluse dans un accord salarial de 2018 pour les travailleurs d’Enaire et d’Aena, une société de gestion aéroportuaire dont Enaire détient 51 pour cent des parts. Dans une manœuvre de division, seuls les travailleurs d’Aena avaient reçu la prime en 2020, à l’exclusion des salariés d’Enaire, bien que les deux groupes de travailleurs eussent reçu ce supplément de salaire en 2019.
Les syndicats ont affirmé jeudi que les travailleurs d’Enaire recevraient le salaire rétroactif dans la paie de ce mois-ci, mais aucun autre détail n’a été donné jusqu’à présent. Rien ne permet de savoir si cette prime de productivité se poursuivra en 2022.
Une grève des travailleurs de la société de transport par autocar Auto Res a également été annulée vendredi. Les travailleurs avaient prévu d’arrêter le travail pendant la période de Noël, les 24, 26 et 31 décembre, ainsi que le 2 janvier, pour s’opposer à la fermeture de guichets et de centres de service-clientèle, et à l’élimination de services dans tout le pays.
Dans des conditions où le gouvernement a refusé de décréter un confinement pour lutter contre la propagation de la COVID-19, les travailleurs dénonçaient également le maintien par Auto Res d’un grand nombre de travailleurs en chômage partiel, ce que l’entreprise utilise pour ne pas payer l’intégralité de leurs salaires.
En dehors du transport et de la logistique, des grèves sont également prévues ou menacées chez les producteurs laitiers, les travailleurs de la pêche, les inspecteurs du travail et les travailleurs de la loterie ; tous exigent une amélioration des conditions de travail, des effectifs et des salaires.
Cette nouvelle vague d’actions de grève en Espagne se produit dans le contexte d’une attaque prolongée des conditions de vie et de travail menée depuis de nombreuses années et exacerbée par la pandémie. Les travailleurs ont subi des réductions sans précédent de leurs salaires réels et la montée en flèche des prix de l’énergie, des carburants et de l’inflation pousse de nombreux travailleurs dans la pauvreté.
L’inflation a atteint 5,6 pour cent en novembre, par rapport au même mois en 2020. Ce taux est nettement supérieur au taux de 4,9 pour cent enregistré dans l’ensemble de la zone euro. Entre octobre 2007 et octobre 2021, elle a augmenté de 21,7 pour cent selon l’Institut national de statistique (INE). Parallèlement, l’Agence fiscale espagnole indique que les salaires moyens dans le secteur privé n’ont augmenté que de 5,1 pour cent entre 2007 et 2020, ce qui signifie une baisse significative du pouvoir d’achat. Les factures d’énergie ont également explosé, faisant un bond de 63 pour cent au cours de l’année précédant octobre 2021.
Alors que des millions de travailleurs étaient poussés au bord la pauvreté durant la pandémie, l’année 2020-2021 a vu les super-riches espagnols engranger les richesses. Les 10 personnes les plus riches d’Espagne ont vu leur fortune augmenter de 17 pour cent rien que cette année, pour atteindre 153 milliards d’euros ; l’équivalent de 565.000 euros par jour.
Les travailleurs doivent retirer leur lutte des mains des syndicats, en formant des comités de la base sur chaque lieu de travail. Cela nécessite une rupture politique décisive avec le gouvernement PSOE-Podemos, qui a prouvé à maintes reprises son hostilité viscérale envers la classe ouvrière.
(Article paru d’abord en anglais le 18décembre 2021)