De hauts responsables du ministère ukrainien de l’Intérieur meurent dans un accident d’hélicoptère

La mort d’au moins 14 personnes, dont un enfant, a été confirmée mercredi après qu’un hélicoptère qui transportait les hauts responsables du ministère ukrainien de l’Intérieur se soit écrasé au-dessus d’un jardin d’enfants à Brovary, une ville proche de la capitale, Kiev. Vingt-cinq autres personnes ont été blessées et hospitalisées, dont onze enfants. Le crash s’est produit vers 8h20, heure locale, alors que des parents déposaient leurs enfants dans le jardin d’enfants. Selon les autorités ukrainiennes, l’hélicoptère se dirigeait vers un «point chaud» sur la ligne de front de la guerre. L’opération de sauvetage a duré près de neuf heures.

Toutes les personnes à bord de l’hélicoptère ont été tuées. Il s’agit notamment du ministre ukrainien de l’Intérieur Denys Monastyrsky, de son premier adjoint Yevhen Yenin et du secrétaire d’État du ministère Yurii Lubkovych. Les gardes du corps et les assistants de Monastyrsky ont également été tués. Au total, cinq fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et un fonctionnaire de la police nationale ont péri dans le crash. Le pilote et l’équipage ont également été tués.

Monastyrsky est le plus haut responsable du gouvernement ukrainien à mourir depuis le début de la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, en février 2022. Il était à la fois le ministre de l’Intérieur et un des membres du Conseil de sécurité nationale et de défense. Ce dernier est chargé de fixer les objectifs en temps de guerre. Monastyrsky était l’une des figures les plus importantes de la direction militaire et il était chargé de superviser la sécurité intérieure, y compris la police. Il était membre du parti Serviteur du peuple de Zelensky et considéré comme l’un des plus proches alliés de ce dernier.

Monastyrsky, Yenin et Lubkovych ont tous trois pris leurs fonctions au ministère de l’intérieur à l’approche immédiate de la guerre, au cours du second semestre 2021. C’était dans le cadre d’un remaniement majeur du ministère de l’Intérieur qui a suivi la démission du prédécesseur de Monastyrsky, Arseny Avakov. Ils comptaient parmi les représentants gouvernementaux les plus en vue pendant la guerre et rendaient fréquemment visite aux troupes sur la ligne de front.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune explication officielle n'a été fournie sur la cause du crash. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’a décrit comme une «terrible tragédie». Plus tard dans la journée, lors d’une allocution prononcée au Forum économique mondial de Davos, Zelensky a lancé un nouvel appel en faveur d’un renforcement du soutien militaire occidental à l’Ukraine. Il a déclaré qu’«il n’y a pas d’accident en temps de guerre. Ce sont les résultats de la guerre, absolument».

Zelensky a ordonné aux services secrets ukrainiens (SBU) d’ouvrir une enquête criminelle. Le SBU se concentrerait sur trois causes possibles: un dysfonctionnement technique, la violation des règles de vol et le sabotage.

Igor Klimenko, chef de la police nationale ukrainienne, a été nommé ministre de l’intérieur par intérim par Zelensky.

Quelles que soient les causes du crash, la mort soudaine de trois des plus importants responsables gouvernementaux du pays va déstabiliser davantage la situation politique déjà tendue du pays et aggraver la crise politique ukrainienne. Le crash survient dans un contexte d’escalade rapide de la guerre contre la Russie par l’OTAN et de rapports suggérant que l’Ukraine pourrait préparer une offensive.

Au cours des dernières semaines, l’OTAN a pris des mesures importantes pour intensifier son implication dans la guerre. Plusieurs pays, dont l’Allemagne, envoient maintenant des chars et d’autres armes offensives à l’Ukraine. À eux seuls, les États-Unis ont livré 210 obusiers, et l’Ukraine a reçu plus de 400 pièces d’artillerie automotrices de la Grande-Bretagne, de la Pologne, de l’Allemagne et des États-Unis. Vendredi dernier, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, a déclaré sans ambages, dans une interview accordée à la BBC, que l’Ukraine est un «membre de fait de l’OTAN».

Lundi, de hauts responsables de la Maison-Blanche, du Département d’État américain et du Pentagone étaient à Kiev pour des discussions avec Zelensky, Reznikov et d’autres hauts responsables ukrainiens. Parmi eux se trouvaient Wendy Sherman, la secrétaire d’État américaine adjointe, Jonathan Finer, le conseiller adjoint de Biden pour la sécurité nationale, et Colin Kahl, le sous-secrétaire à la défense pour la politique au Pentagone. Selon le communiqué de presse officiel, l’objectif de la réunion était de «réaffirmer l’engagement fort et inébranlable des États-Unis envers l’Ukraine et sa défense contre l’agression non provoquée de la Russie».

Vendredi, le chef d’état-major américain, Mark Milley, et le ministre de la défense, Lloyd Austin, tiendront la première réunion en personne avec le groupe de contact pour la défense de l’Ukraine, qui comprend 50 nations, sur la base militaire américaine de Ramstein, en Allemagne.

Lundi, Milley a déjà visité un nouveau site d’entraînement militaire américain pour les troupes ukrainiennes à Grafenwöhr, en Allemagne. Selon l’Associated Press, plus de 600 soldats ukrainiens viennent de commencer à y recevoir une formation de l’armée américaine.

Dans la presse russe, des personnalités militaires affirment que l’armée russe doit se préparer à une nouvelle offensive ukrainienne dans les deux prochaines semaines. S’adressant à la Nezavisimaya Gazeta, le lieutenant général à la retraite Yuri Netkachev a fait une déclaration. Il a dit: «On ne doit pas se faire d’illusions sur le fait que les Américains ne forment qu’un bataillon de l’armée ukrainienne avec 500 hommes en Allemagne. À en juger par les commentaires de Mark Milley, l’élite de l’armée ukrainienne est concentrée à Grafenwöhr. Il s’agit de commandants de formations, d’unités de frappe, d’équipages, de spécialistes en informatique. Ce sont les personnes qui, dès la fin février, selon les plans du Pentagone, organiseront les futures actions offensives des forces armées ukrainiennes».

Netkachev a ajouté qu’avec les livraisons massives d’armes lourdes à l’Ukraine, l’OTAN «aide Kiev à former plusieurs brigades d’infanterie mécanisées et motorisées. Et d’une manière générale, [les armes servent] à compléter les trois corps d’armée, qui sont actuellement en cours de formation dans les forces armées ukrainiennes en vue de l’offensive générale qui aura lieu dans quelques semaines. L’armée russe doit s’y préparer».

Un rapport récent de l’Institut d’études stratégiques a noté que le Kremlin prend maintenant «tardivement des mesures de mobilisation du personnel, de réorganisation et d’actions industrielles… Des mesures pour mener l’“opération militaire spéciale” comme une guerre conventionnelle majeure».

Déjà, l’escalade de la guerre menée par l’OTAN a considérablement aggravée la crise politique en Ukraine. Mardi, l’un des principaux conseillers de Zelensky et l’un des visages les plus marquants de la guerre, Oleksiy Arestovych, a été contraint de démissionner. Dans des remarques faites en direct à la télévision samedi, peu après un tir de missile sur la ville de Dnipro, Arestovych avait suggéré que le missile russe avait touché une zone résidentielle après qu’il ait été abattu par la défense aérienne ukrainienne. Les remarques d’Arestovych ont suscité d’âpres dénonciations, notamment de la part de l’extrême droite, de Zelensky et du chef de la défense aérienne ukrainienne. Ainsi, il a été contraint de présenter des excuses publiques et de démissionner dans les jours qui ont suivi.

Quarante-cinq personnes auraient été tuées et 79 blessées lors de cet épisode, le chiffre le plus élevé de victimes civiles depuis des mois. Le gouvernement ukrainien a profité de ces faits pour appeler l’OTAN à intensifier ses livraisons d’armes lourdes. Les responsables russes ont nié toute responsabilité dans cette frappe, insistant sur le fait que l’armée russe ne visait pas les infrastructures civiles.

(Article paru d’abord en anglais le 19 janvier 2023)

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