Les forces derrière ‘‘Rage Against the War Machine’’: le Parti libertaire se tourne vers les antisémites et la droite fasciste

Le 19  février, le Parti libertarien et le ‘‘People’s Party’’ [Parti du peuple] ainsi que des éléments désorientés de la classe moyenne et des individus carrément fascistes, organisaient à Washington ce qui fut présenté comme le rassemblement ‘‘Rage Against the War Machine’’ [La rage contre la machine de guerre].

Nick Brana du ‘‘People’s Party’’ (Parti du peuple) (à gauche, chapeau tricoté) sur la scène du rassemblement Rage Against the War Machine. À sa droite, Jackson Hinkle (lunettes de soleil) et Angela McArdle, présidente du Parti libertarien. Derrière McArdle, avec la casquette de baseball et la bouteille d’eau, Jason Page, un affilié des Oath Keepers et de Stewart Rhodes. [Photo: People's Party]

L’événement, présenté par les organisateurs Angela McArdle du Parti libertarien et Nick Brana du People’s Party comme une tentative de rassembler «la gauche et la droite» dans l’opposition à la guerre en Ukraine était, selon le World Socialist Web Site, une «foire aux monstres politiques réactionnaires».

Le World Socialist Web Site analysera plus en détail les principaux organisateurs et intervenants de l'événement, qui confirment son caractère profondément réactionnaire. Cet article se concentre sur le Parti libertarien et son orientation manifeste vers la droite fasciste.

Le Parti libertarien, le Caucus Mises et Unite the Right [Unir la droite]

La perspective politique centrale du rassemblement vient du Parti libertarien qui est présenté comme le principal organisateur – avant le People’s Party – sur le site officiel de ‘‘Rage’’.

La présidente du Parti libertarien, Angela McArdle, a animé le rassemblement ‘‘Rage’’ aux côtés de Brana. Sur les 19  intervenants, trois étaient ou sont actuellement membres du Parti libertarien: Ron Paul, Scott Horton et Daniel McAdams.

Commentant le rôle prépondérant du Parti libertarien dans l’organisation de l’événement, Max Blumenthal de Grayzone a noté dans un podcast du 16  février en faisant la promotion avec un autre orateur, Scott Horton, que l’événement avait été «essentiellement planifié par le Parti libertarien».

En plus de fournir la perspective politique, les libertariens ont également financé une grande partie du rassemblement. Le Caucus Mises [du nom de l’économiste réactionnaire autrichien Ludwig von Mises 1881-1973] a donné au moins 1.000  dollars pour en être l’un des cinq ‘‘Sponsors d’argent’’.

Si les libertariens ont toujours avancé un programme économique hyper-capitaliste d’extrême droite, après l’élection de Donald Trump (2016) et un nouveau virage à droite de l’ensemble de la classe dirigeante américaine, des membres du parti, principalement représentés dans le Caucus Mises, ont effectué un virage marqué vers les milices fascistes et les forces antisémites.

Le Caucus Mises est la plus grande faction du Parti libertarien et a pris le contrôle de l’appareil national en 2022, suite à la convention nationale de Reno (Nevada). McArdle était l’organisateur californien du Caucus et ex-membre du conseil d’administration.

Dans le cadre de sa campagne pour s’emparer de la présidence du parti l’année dernière, McArdle a dirigé avec le soutien du Caucus des efforts pour annuler une obligation de vaccination limitée dans le comté de Los Angeles.

Après avoir obtenu le soutien du contingent anti-vaccin du parti, McArdle a renforcé sa candidature en refusant de condamner l’antisémite virulent Bryan Sharpe, connu encore sous le nom de «Hotep Jesus», à la convention du parti libertarien en Alabama en mars 2021.

Sharpe avait déjà été invité à la Conservative Political Action Conference et été interviewé de manière positive sur Fox News.

Sur son blog, il avait fait l’éloge de l’extrême droite qui n’avait pas « avoir peur de dénoncer les Juifs». Il avait également défendu le rassemblement ‘‘Unite the Right’’ [Unir la droite] à Charlottesville (Virginie) en 2017, écrivant que les «Noirs [étaient] tellement éloignés de la réalité… ce n’est pas une manifestation contre les Noirs. C’est une dispute entre la droite et la gauche – libéraux contre conservateurs. C’est peut-être même les Blancs contre les Juifs».

À convention de 2021 en Alabama, un membre du Parti libertarien a demandé à McArdle comment elle avait pu inviter Sharpe à la convention nationale, étant donné ses antécédents de «vues antisémites.»

McArdle a répondu: «Je rejette la prémisse de votre question. Je ne pense pas que quelqu’un qui essaie d’être un chercheur de la vérité et de comprendre ce qui se passe – et qui a posé la question si oui ou non les Juifs dirigeaient Hollywood – soit un antisémite». (Souligné par nous)

Le Caucus Mises, l'Institut Mises et Jeff Deist

Une indication précoce visible de cette évolution vers une politique fasciste au sein du Parti libertarien fut la prise de contrôle du parti par le Caucus Mises.

Le Caucus Mises, nommé d’après l’Institut Mises actuellement dirigé par Jeff Deist, a été fondé par Michael Heise le 20  août 2017. Plusieurs membres éminents du Parti libertarien, dont l’actuel présidente McArdle, ont été membres du conseil d’administration du Caucus Mises, et beaucoup ont été «formés» à l’Institut, situé à Auburn (Alabama).

L’Institut Ludwig von Mises, du nom du réactionnaire économiste autrichien, fut fondé par Llewellyn Rockwell Jr. en 1982 avec le soutien financier de Ron Paul. Un rapport de 2000  du Southern Poverty Law Center (SPLC) a classé l’Institut Mises dans la catégorie «Néo-confédérés».

Dans une interview du 11  janvier 2023 sur Reason.com, Heise a indiqué que le rassemblement ‘‘Rage’’ était un exemple du nouveau type de «sensibilisation» que le Parti libertarien entreprenait sous la direction du Caucus Mises dans le but de développer le parti.

Heise expliqua que le «rallye anti-guerre» serait un exemple de la «première récolte» des nouveaux «fruits» cultivés sous la direction du Caucus d'extrême droite Mises.

Jeff Deist, le président de l’Institut Mises, est proche à la fois de Heise et de McArdle, apparaissant avec l’un et l’autre sur des podcasts et des événements d’extrême droite.

Jeff Deist est à l’Institut Mises depuis au moins 2014. Avant d’en être le président, il avait, comme il l’a expliqué dans une récente interview avec le fasciste Patrick Casey, coorganisateur du rassemblement ‘‘Unite the Right’’, «travaillé au Capitole avec Ron Paul».

Casey était l’un des dirigeants du groupe néonazi Identity Evropa et en a pris la tête après le rassemblement ‘‘Unite the Right’’, dans l’organisation duquel ce groupe a joué un rôle majeur. Après avoir pris le contrôle de l’organisation, Casey l’a rebaptisée American Identity Movement pour essayer de lui faire prendre ses distances d’avec Charlottesville. Cela n’a cependant pas réussi, et Casey a cessé de s’organiser activement au sein du groupe en 2020.

En 2019, Casey s’est associé à Nick Fuentes, un adorateur d’Hitler, pour promouvoir l’armée ‘‘groyper’’ et lancer la ‘‘America First Political Action Conference’’. Jusqu’au 6  janvier, le duo a soutenu la campagne ‘‘Stop the Steal’’ de Trump en mobilisant ses partisans en faveur du coup d’État. Fuentes et Casey étaient tous deux présents au Capitole le 6  janvier, mais aucun n’a été inculpé.

Le fasciste Patrick Casey (à gauche) interviewe le président de l’Institut Mises Jeff Deist sur son podcast, le 23  février 2023. [Photo: Patrick Casey]

Pour leur rôle dans le coup d’État, Fuentes et Casey ont tous deux été interrogés par la Commission parlementaire sur 6  janvier. Dans sa déposition devant la commission, Casey a admis qu’il avait une «position de leader non officielle dans le mouvement America First avec Nick Fuentes» et que dans la période précédant le 6  janvier, il avait pris la parole dans des capitales d’État et lors de multiples événements pour soutenir les efforts de Trump pour annuler l’élection.

Dans son entretien amical avec Casey la semaine dernière, Deist a expliqué: «J'ai rencontré Ron Paul et j'ai commencé à travailler pour lui... en rejoignant son équipe à Washington D.C.» Il a ajouté qu'il avait «rencontré Lew [Rockwell], et quelques années plus tard, j'ai rejoint l'Institut».

Dans son interview de plus d’une heure avec Casey, le duo a défendu le système capitaliste et la propriété privée et attaqué les immigrants, la législation sur les droits civils et les personnes trans.

Appelant les «entrepreneurs» à «s’impliquer», Deist a déclaré: «Nous avons besoin de certaines des personnes les plus riches de ce pays, certaines de celles qu’il est terriblement difficile d’annuler. Si vous valez 5, 10, 20… 100 millions de dollars ou 200  millions de dollars, vous devez être là pour lutter contre ce problème, contrairement au type qui gagne 40.000  dollars par an. Si vous vous souciez de ce pays, vous vous devez de combattre ce genre de choses et de frapper un coup en faveur de la réalité. C’est ce qu’il faudra».

Faisant appel au public fasciste de Casey, Deist a déclaré: «Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ce soit sans effusion de sang, ce n’est pas comme ça que ça marche. Les gens vont devoir en payer le prix».

«Absolument!» a répondu Casey avec un sourire.

De Unite the Right à ‘‘Rage Against the War Machine’’

Il ne fait aucun doute que la relation entre Casey et Deist remonte à plusieurs années. Dans un discours de 2017  intitulé «Pour un Nouveau libertarien» prononcé deux semaines avant le rassemblement ‘‘Unite the Right’’, Deist avait appelé à une «approche profondément pragmatique de l’organisation de la société». Cela incluait «des familles riches… d’élite… fortes» et que les libertariens «saisissent» la montée du «nationalisme» et rejettent «l’universalisme.»

Deist avait terminé son discours par un appel explicite aux libertariens à se refaire à l’image des nazis. «Le sang et le sol, Dieu et la nation comptent encore pour les gens», avait-t-il déclaré. «Les libertariens l’ignorent au risque de ne plus être pertinents».

Après ce discours, des membres actuels et anciens du Parti libertarien, comme le néonazi Christopher Cantwell, ont participé au déchaînement fasciste de Charlottesville qui aboutit à ce qu’un autre néonazi, James Alex Fields Jr., lança sa voiture sur une foule de contre-manifestants; assassinant la militante antiraciste Heather Heyer.

Le jour où Fields a tué Heyer et blessé des dizaines d'autres personnes, le néonazi Shandon Simpson avait été photographié debout derrière Fields Jr.

Le mois dernier à Washington, Simpson et le néonazi Matthew Heimbach ont tous deux été photographiés au rassemblement ‘‘Rage’’ par la journaliste Molly Conger.

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En 2020, Unicorn Riot a révélé que Simpson était membre de la Garde nationale de l’Ohio et a été déployé à Washington dans le cadre des efforts fascistes de Trump pour réprimer les manifestants anti-violence policière.

Dans des messages Telegram découverts avant le déploiement à Washington, Simpson a dit à des camarades néonazis: «Ils ont activé mon unité et nous recevons de vraies munitions pour tirer et tuer. Rahowa.» [RaHoWa fait référence à la conception néonazie de la Guerre sainte raciale].

Heimbach a été fasciste toute sa vie d’adulte. Il a fondé plusieurs organisations néonazies dont le défunt Parti ouvrier traditionaliste.

Pour son rôle de premier plan dans l’organisation du rassemblement ‘‘Unite the Right’’, le 23  novembre 2021, un jury a déclaré Heimbach et l’organisation qu’il a fondée coupables de conspiration civile.

Dans un article publié le jour du rassemblement ‘‘Rage’’, le média It’sGoingDown.org rapporte que, dans une émission en direct avant l’événement, Simpson a révélé que Heimbach et son apparition au rassemblement ‘‘Rage’’ ne seraient pas un choc pour les organisateurs de l’événement. Selon Simpson, Heimbach avait «eu plus de communications avec certains des gens impliqués…»

Au rassemblement même, Heimbach et ses partisans ont été autorisés à installer une table et à partager leur propagande fasciste.

Le Centre pour l’innovation politique (initiales anglaises CPI), qui est dirigé par le correspondant de RT Caleb Maupin, était l’un des «Sponsors de bronze» du rassemblement ‘‘Rage’’.

Après le rassemblement, Heimbach a été photographié en train de distribuer de la propagande fasciste lors d'une «après-party» organisée par le CPI.

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Benjamin Rubinstein, anciennement du CPI, a confirmé sur Twitter que «Heimbach et son équipe» avaient été «invités à l’événement par le CPI à l’insu des autres organisateurs».

Rubinstein a fait remarquer que Heimbach et Simpson étaient «des nazis déclarés contrôlés par un membre d’Atomwaffen et ce n’est pas un élément de langage progressiste ».

Il n’y a pas seulement une parenté politique étroite mais une ligne de communication directe reliant des nazis déclarés au Parti libertarien, le principal organisateur du rassemblement ‘‘Rage Against the War Machine’’. Les personnes censées être « de gauche» qui ont participé au rassemblement ont principalement servi à donner une crédibilité et une légitimité politiques à ces forces d’extrême droite.

(Article paru d’abord en anglais le 3 March 2023)

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