Hier, lors d’une allocution télévisée en début d’après-midi, le président Emmanuel Macron a défendu sa décision d’imposer, sans vote au Parlement, des réductions de pensions à laquelle s’opposent 80 pour cent des Français. Il s’est également engagé à faire passer une nouvelle loi sur l’immigration qui vise à accélérer les expulsions et à limiter le droit d’asile.
Le discours de Macron a totalement démasqué ceux qui comme les dirigeants des confédérations syndicales françaises ou le parti La France insoumise (LFI), ont imploré sans succès Macron de ne pas promulguer la loi qu’il venait d’imposer. Alors même que des millions de travailleurs font grève et manifestent aujourd’hui, il est évident que Macron a l’intention de bafouer les droits sociaux et démocratiques fondamentaux.
Son discours est tombé à un moment où peu de travailleurs pouvaient le regarder. Mais, il a confirmé qu’il n’existe pas de voie « démocratique » dans la lutte contre Macron. Ce dernier piétine l’opinion publique pour imposer le diktat des banques, détournant des dizaines de milliards d’euros des retraites vers le renflouement des banques et la préparation militaire à la guerre contre la Russie. Ses actions ont déchiré le voile « démocratique » de l’État, qui est une dictature nue de l’oligarchie capitaliste qui appauvrit les masses par le biais du fiat présidentiel et de la violence policière.
Avant son discours télévisé, s’adressant aux membres de son propre parti, Renaissance, Macron a affirmé de manière provocante que le peuple n’avait pas la légitimité nécessaire pour contester son gouvernement. Il a déclaré : « Si vous croyez à l’ordre démocratique et républicain, les émeutes ne l’emportent pas sur les représentants du peuple. Les foules n’ont aucune légitimité contre le peuple dont la souveraineté s’exprime à travers ses représentants élus ».
C’est une conception de l’élection avec laquelle n’importe quel dictateur pourrait être d’accord. Selon l’argument de Macron, se faire élire président signifie que jusqu’aux prochaines élections, on est libre de piétiner la volonté du peuple. Les manifestations de masse qui bénéficient d’un soutien populaire massif doivent s’incliner, selon ce point de vue, devant le diktat du président et de ses hordes de milliers de policiers antiémeute lourdement armés.
Lors de son interview télévisée, Macron a maintenu cette prétention antidémocratique, affirmant de manière ridicule qu’en réduisant les pensions et le niveau de vie, il défendait la démocratie contre le peuple. La réforme poursuivra son chemin démocratique », a affirmé Macron à propos de ses réductions de pensions. Il a ajouté : «Cette réforme est nécessaire, il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec la réforme». « Cette réforme est nécessaire, il n’y a pas 36 solutions… Je suis prêt à être impopulaire ».
À la question de savoir s’il y a quelque chose qu’il regrette ou qu’il aurait fait différemment, Macron a répondu qu’il regrettait «de ne pas avoir réussi à convaincre les gens de la nécessité de la réforme ».
En fait, les justifications avancées par Macron pour justifier ses coupes budgétaires n’ont pas convaincu la population parce qu’elles étaient toutes mensongères. Il s’agit surtout de l’affirmation selon laquelle le système de retraite est en faillite et qu’il n’y a plus d’argent pour le financer. En réalité, le système de retraite a un budget équilibré ; s’il n’y a plus d’argent pour lui, c’est parce que Macron augmente les dépenses militaires de près de 100 milliards d’euros sur le reste de la décennie, tout en laissant ses bailleurs de fonds milliardaires comme Bernard Arnault à un taux d’imposition effectif de zéro pour cent.
Après avoir admis que la population était convaincue que ses coupes étaient destructrices et qu’elle était farouchement opposée au gouvernement du Premier ministre Elisabeth Borne, Macron s’est engagé à maintenir Borne à son poste. Il s’est engagé à mener une « marche forcée » sur des politiques telles que le projet de loi draconien sur l’immigration.
Enfin, Macron s’est défendu contre les critiques de la presse concernant son commentaire provocateur selon lequel il a plus de légitimité démocratique que l’opinion de plus de trois quarts des Français. Il a comparé les travailleurs en grève contre ses coupes budgétaires aux forces néonazies qui ont soutenu la tentative de putsch du président américain de l’époque, Donald Trump, le 6 janvier 2021 qui visait le bâtiment du Capitole à Washington, ou aux officiers militaires qui préparaient un coup d’État lors des élections brésiliennes de l’année dernière.
Dénonçant les travailleurs qui exercent leur droit de grève et de protestation protégé par la Constitution comme des « agents de sédition», Macron a déclaré: «Étant donné que les États-Unis ont vécu ce qu’ils ont vécu au Capitole et que le Brésil a vécu ce qu’il a vécu, nous devons dire: “Nous respectons, nous écoutons”, mais nous ne pouvons accepter ni les agents de sédition ni les fractions rebelles».
Cela renverse la réalité. La tentative de coup d’État de Trump en Amérique a eu lieu lorsque le président en exercice a tenté de bloquer la certification par le Congrès de sa défaite aux élections de 2020 en foulant aux pieds le résultat des élections. Les responsables militaires brésiliens ont également tenté un putsch à la Trump, en travaillant en étroite collaboration avec le président en exercice, Jair Bolsonaro, après que le résultat de l’élection lui a été défavorable.
C’est Macron, qui, de la même façon, utilise les prérogatives de sa fonction et son contrôle sur l’énorme machine policière de l’État français, pour tenter de piétiner la volonté du peuple et celle des dizaines de millions de travailleurs en France qui s’opposent à la réduction de leurs pensions et de leur niveau de vie.
Les tensions de classe continuent de monter rapidement à l’approche de la journée de protestation d’aujourd’hui contre les coupes dans les retraites. Macron continue de déployer des policiers antiémeutes lourdement armés pour attaquer les manifestants et maintenant aussi pour attaquer les piquets de grève des travailleurs des raffineries et des éboueurs en grève contre ses coupes budgétaires.
La voie à suivre pour la classe ouvrière dans cette confrontation avec l’État capitaliste et Macron est de retirer les luttes de grève des mains de forces telles que les bureaucraties syndicales et la pseudo-gauche. Ces dernières lient les travailleurs à la machine de l’État capitaliste au motif frauduleux qu’elle est démocratique. La réponse lâche et inepte de l’establishment politique français au discours de Macron montre qu’il est en faillite et organiquement lié à la machine de l’État capitaliste.
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de LFI, a déclaré que Macron avait agi avec « les signes habituels de mépris » à l’égard du public. Accusant Macron de « vivre en dehors de toute réalité», Mélenchon a demandé: «Comment est-il possible, alors que le pays s’enfonce dans une impasse… [de] mentir avec une telle arrogance?»
L’une des raisons pour lesquelles Macron peut mentir avec une telle arrogance est qu’il est sûr que Mélenchon et ses alliés ne feront aucune tentative sérieuse pour mobiliser l’opposition contre lui. Lors des élections présidentielles de 2022, Mélenchon a obtenu près de 8 millions de voix, dont des majorités dans les quartiers populaires de presque toutes les grandes villes de France. Aujourd’hui, alors que les deux tiers des Français soutiennent une grève générale pour stopper Macron, une campagne de LFI pour une grève générale pourrait rapidement faire tomber le gouvernement Macron.
Mais Mélenchon s’est abstenu de lancer de tels appels et tente plutôt de pousser les travailleurs derrière la bureaucratie syndicale et sa perspective impuissante de chercher des accords négociés avec la machine d’État capitaliste.
Hier, le dirigeant de la bureaucratie stalinienne de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Martinez, a insisté pour que son syndicat ne soit pas tenu responsable des actions que les travailleurs en colère pourraient entreprendre contre le gouvernement Macron, à la suite de ses remarques provocatrices. Martinez a déclaré : « Ces remarques vont attiser la colère. Il n’a tenu compte ni de nos avertissements ni de la colère. Les organisations syndicales lui ont demandé de nous inviter à des discussions. Nous avons souligné la situation explosive ».
Macron a refusé d’inviter les dirigeants syndicaux, s’est plaint Martinez, et il n’a «pas tenu compte de la détermination» des travailleurs.
Martinez et d’autres hauts responsables de la CGT se sont abstenus de lancer un appel à une mobilisation plus large des travailleurs pour défendre les employés des raffineries et les éboueurs agressés par la police de Macron.
La voie à suivre pour les travailleurs est de prendre le contrôle de la lutte entre leurs mains, en s’organisant en comités de base indépendants des bureaucraties syndicales. Ceci est essentiel pour lancer rapidement des actions de grève, coordonner des actions de solidarité et défendre les travailleurs agressés par la machine police-Etat et pour mobiliser la vaste colère qui se développe dans la classe ouvrière contre Macron, la guerre et le système capitaliste.
Pour mener à bien cette lutte, on doit relier les grèves de masse en France à l’explosion de la lutte des classes qui se déroule dans toute l’Europe et à l’échelle internationale dans le cadre d’une lutte révolutionnaire pour le socialisme. Macron a une fois de plus clairement indiqué qu’il n’y avait rien à négocier avec lui ou avec les banques. La question cruciale est de transférer le pouvoir de l’État capitaliste en faillite aux organisations de lutte des travailleurs, dans le cadre d’une révolution socialiste en France et à l’échelle internationale.
(Article paru d’abord en anglais le 23 March 2023)