Alors que la colère gronde après le licenciement massif d’employés supplémentaires (temporaires) par Stellantis, une faction de l’appareil du syndicat : l’« United Auto Workers» étroitement alignée sur le président de l’UAW, Shawn Fain, a lancé une campagne de pétition dont l’objectif est de dissimuler le rôle de la bureaucratie de l’UAW dans la facilitation des suppressions d’emplois.
L’objectif de cette pétition diffusée par «Unifier tous ouvriers pour la démocratie» (Unite All Workers for Democracy) (UAWD) est de paralyser l’opposition et la colère croissantes contre l’appareil syndical de l’UAW en les canalisant vers des protestations futiles auprès de la direction et des mêmes fonctionnaires de l’UAW qui supervisent les coupes. En organisant cette campagne de diversion, l’UAWD tente d’empêcher l’initiative indépendante des Salariés supplémentaires (Supplemental Employees SEs) licenciés qui ont récemment formé le Comité de la base et du rang pour lutter contre les suppressions d’emplois (RFC-FJC).
Stellantis est en train de licencier plus de 2.300 employés supplémentaires sur les 5.219 qu’elle employait avant la ratification de l’accord UAW-Stellantis en novembre dernier. Fain, Rich Boyer, vice-président de l’UAW, et d’autres bureaucrates de l’UAW avaient prétendu à tort que les SE passeraient au statut d'employés à temps plein selon les termes de l’accord.
Dans une déclaration intitulée «N’oublier personne! Il faut pétitionner Stellantis pour la réintégration des employés supplémentaires licenciés» (No Member Left Behind! Petition Stellantis to Reinstate the Terminated Supplemental Employees), le groupe UAWD a annoncé le lancement de la campagne de pétition, qui s’adresse à la direction de Stellantis. Une fois que 1.000 signatures auront été recueillies, l’UAWD déclare qu’elle soumettra les noms à l’entreprise et «en informera le département UAW-Stellantis».
L’absurdité de cette campagne réside dans le fait que les mêmes personnes qui conspirent pour mettre en œuvre les résiliations prétendent maintenant organiser une sorte d’action de protestation contre celles-ci.
Le groupe UAWD, soutenu par Labor Notes et les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA, il s’agit des groupes de la pseudo gauche), a obtenu des postes sur la liste des membres unis de Fain et a apporté un soutien inconditionnel à Fain, présentant son élection comme une victoire pour la réforme syndicale. Il a fait l'éloge du contact de 2023 qui a donné le feu vert à l'attaque actuelle contre les travailleurs supplémentaires, ainsi qu'aux licenciements massifs de travailleurs à temps plein à Detroit et à Toledo, dans l'Ohio.
La pétition de l’UAWD commence par affirmer que le contrat de 2023 « a fait quelques progrès dans la lutte contre les abus des employés supplémentaires». Elle ne dit rien sur le rôle de la direction du Fain, qui a menti aux travailleurs supplémentaires pour obtenir leurs votes en faveur du contrat. Les bureaucrates de l’UAW ont affirmé que les SEs bénéficieraient d’une participation aux bénéfices et qu’ils seraient employés à temps plein après neuf mois de service, ce qui n’est pas vrai.
Au lieu de cela, selon les termes de l’accord, l’entreprise n’a dû reconduire que 1.957 SE dans l’ensemble de l’entreprise, plus 900 autres à l’usine d’assemblage de Toledo. Le 12 janvier, 539 travailleurs supplémentaires ont été sommairement licenciés, dont au moins 100 à Indiana Transmission à Kokomo, l’usine d’origine de Shawn Fain. Depuis, des centaines d’autres ont été licenciés sur les 1.600 SE, dont le vice-président de l’UAW, Boyer, a avoué qu’ils seraient licenciés dans les mois à venir.
Comme l’a prévenu le «World Socialist Web Site», ces suppressions d’emplois ne sont que le début d’une hécatombe massive à mesure que les constructeurs automobiles passeront à la production de véhicules électriques, qui nécessitent beaucoup moins de main-d’œuvre. Les suppressions sont mondiales, Stellantis ayant également annoncé des licenciements massifs dans ses divisions Fiat et Maserati en Italie, ainsi que dans ses activités en France.
Depuis l’annonce des suppressions d’emplois, Fain et l’ensemble de l’appareil syndical, y compris l’UAWD, ont clairement indiqué qu’ils ne feraient rien pour s’opposer à ces suppressions. Dans une lettre adressée le 13 janvier aux présidents des syndicats locaux, Boyer, chef du département Stellantis de l’UAW, a repris les mensonges de l’entreprise selon lesquels les SE étaient licenciés en raison de «mauvaises performances/assiduité», avant d’ordonner à ses subordonnés d’«informer tous les SE de cette information».
Lorsque les SE ont porté ces licenciements injustes à l’attention de leurs collègues et des médias locaux de Detroit, Fain a déclaré à un journaliste que ces licenciements étaient dus à la « cupidité de l’entreprise » et que l’UAW n’avait pas donné son accord. Mais les signatures des bureaucrates de l’UAW figurent noir sur blanc sur la lettre d’accord intitulée « Supplemental Conversions » dans le contrat lui-même.
Entre-temps, les médias d’entreprise ont rapporté que les travailleurs supplémentaires ne recevront pas de participation aux bénéfices cette année, bien que cela ait été promis dans les « faits saillants » distribués par l’UAW au moment de la ratification du contrat.
Depuis la signature des contrats automobile de 2023, les trois grands constructeurs automobiles ont enregistré des bénéfices considérables. Stellantis a enregistré un bénéfice record de 20 milliards de dollars en 2023 et a célébré l’événement en annonçant un important dividende en actions et un rachat d’actions pour 3,2 milliards de dollars afin d’enrichir les actionnaires.
«Ce sont les travailleurs de l’atelier qui organisent cette lutte »
In response to the attack on supplementals, Stellantis workers have formed the Rank-and-File Committee to Fight Job Cuts and issued a call to action. In its statement the committee appealed not to Stellantis management or to Fain & Co. but to shop floor workers. It explained that workers were fighting not just management but the pro-company UAW apparatus as well.
En réponse à l’attaque contre les compléments de salaire, les travailleurs de Stellantis ont formé le comité de base pour lutter contre les suppressions d’emplois et ont lancé un appel à l’action. Dans sa déclaration, le comité s’adresse non pas à la direction de Stellantis ou à Fain & Cie., mais aux travailleurs de l’atelier. Il explique que les travailleurs ne se battent pas seulement contre la direction, mais aussi contre l’appareil de l’UAW, favorable à l’entreprise.
«Collectivement, nous pouvons défendre nos moyens de subsistance. Comme nous avons été trompés à maintes reprises par les bureaucrates de l’UAW, depuis l’Internationale jusqu’au niveau local, c’est nous, les travailleurs de l’atelier, qui organisons cette lutte».
Le Comité de la base pour la lutte contre les suppressions d'emplois (RFC-FJC) a approuvé une manifestation devant la Maison de la solidarité, qui aura lieu le samedi 2 mars à midi et qui est organisée par un groupe de travailleurs supplémentaires et à plein temps de l’industrie automobile. Les travailleurs exigent la réintégration de tous les travailleurs supplémentaires licenciés et la renégociation du contrat de vente 2023.
Dans un communiqué annonçant la manifestation, l’un des organisateurs a écrit : «L’entreprise, le syndicat et le gouvernement travaillent tous ensemble contre le peuple. Les membres sont la base sur laquelle cette entreprise produit ses richesses. Nous travaillons dur et ne recevons pratiquement rien en échange de notre temps et de notre travail. Frères et sœurs : La classe ouvrière fait l’objet d'une guerre qui se déroule dans le monde entier. Fain disait que nous « mangerions les riches » et voilà qu’ils volent dans nos assiettes !
Les travailleurs contactés par le « World Socialist Web Site » ont exprimé leur colère face à la collusion de l’UAW avec les licenciements massifs de travailleurs supplémentaires et leur opposition à la pétition lancée par l’UAWD.
Après avoir vu la pétition de l’UAWD, un travailleur récemment licencié à l’usine de transmission de l’Indiana a déclaré : « Ce n’est pas seulement pour apaiser les travailleurs, c’est pour nous faire taire et espérer qu’ils s’en occuperont ».
Un membre du « Comité de base » (Rank-and-File Committee) qui lutte qui combattre les pertes des emplois (to Fight Job Cuts) a déclaré au WSWS: «N’oubliez pas que nous étions les travailleurs les plus modestes et qu’il était plus facile de nous exclure que de se battre pour nous. Mais nous n’avons pas voulu nous taire. Aujourd'hui, ils font circuler une pétition pour faire croire qu’ils se « battent » pour nous ».
« Nous voulons retrouver nos emplois. Mais même si c’était le cas, nous retrouverions le même environnement de travail hostile que les travailleurs à plein temps. Les bureaucrates de l’UAW sont toujours corrompus et personne n’a la sécurité de l’emploi. Nous avons essayé de faire ressortir le fait suivant: s’il n’y a pas de représentation, il ne devrait pas y avoir de travail. Les travailleurs à temps plein et à temps partiel doivent s’unir pour défendre leurs emplois.
« En ce qui concerne l’entreprise et l’appareil syndical, tant qu’ils réalisent des bénéfices et perçoivent l’argent de nos cotisations, ils sont satisfaits. Ils ont essayé de se débarrasser de nous et s’attendaient à ce que nous continuions à avancer comme de petites fourmis ouvrières».
« Nous sommes fiers de constater qu’une riposte mondiale contre les suppressions d’emplois est en train de s’amorcer. Les travailleurs italiens de Stellantis ont quitté leurs postes. Les travailleurs mexicains d’Audi se sont mis en grève. Les travailleurs commencent à s’unir les uns aux autres. Il est terrible qu'il faille de telles circonstances, mais si nous nous unissons, nous pouvons vaincre toute cette douleur et cette souffrance. Il est incroyable qu’en dépit de ces temps difficiles, les gens s’unissent.
Un ouvrier de Kokomo Engine a déclaré à propos de l’UAWD: «C’est la petite claque de Fain. J’estime que puisqu’ils recevaient tellement de plaintes, qui s’avèrent des mensonges, ils essaient d’attirer l’attention sur le fait que l’UAW essaie d’aider. Ils n’auraient pas à le faire s’ils s’étaient battus pour les travailleurs et ne nous avaient pas présenté ce maudit contrat.
«Il semble qu’une semaine sur deux, nous découvrons quelque chose d’autre que nous avons perdu et qu’ils n’ont pas annoncé ou que l’entreprise viole une autre partie de l’accord, ce que l’UAW continue leur accorder ».
Nous avons une personne dans l’usine qui est en train maintenant de fabriquer une chemise sur laquelle il est écrit : « Ils peuvent le faire » parce que c’est la réponse constante du syndicat. Ils n’ont jamais mis ce genre de choses dans les points forts du contrat.
Une travailleuse à temps plein du Detroit Assembly Complex-Mack, où 2.455 travailleurs ont été licenciés ou renvoyés lorsque la troisième équipe a été supprimée au début du mois de février, a déclaré qu’il y avait une grande colère dans l’usine. « Nous sommes tous conscients que le syndicat est de mèche avec les superviseurs et la direction. Les représentants de l’UAW se contentent de vous dire ce que vous voulez entendre, avec des mots aimables », a-t-elle déclaré.
Parlant des licenciements massifs effectués par Stellantis, elle a déclaré : « C’était une erreur complète. Vous avez eu des gens comme TPT (ouvriers temporaires à temps partiel ou des suppléants) pendant des années. Lorsque vous avez dû les remplacer, vous les avez laissés partir. Vous avez bloqué la vie des gens. Les gens ont encore des hypothèques, des mensualités pour les voitures, de la nourriture et des enfants à nourrir.
«Il faut des emplois aux gens, et ils devraient être rémunérés pour cela. Le contrat stipule qu’ils sont censés bénéficier d’une participation aux bénéfices. Et maintenant, ils disent qu'ils ne l'obtiennent pas».
« Je ne serai jamais d'accord pour faire du tort à quelqu'un comme ça. Ils ont tout donné pour ne rien avoir. Certains diront : « »Cela ne me concerne pas, donc je m'en fiche». Ce n’est pas la bonne attitude, car cela peut leur arriver à eux aussi ».
Exprimant son accord avec la déclaration publiée par le comité de base pour lutter contre les suppressions d’emplois, elle a ajouté : « Je suis prête à me battre. Il faut que les choses changent. Cela fait trop longtemps qu’ils s’en tirent avec des actions sales et sournoises sans que cela ne soit remis en question ».
« Ils ont besoin des travailleurs qui viennent, même lorsqu'ils sont malades, pour gagner de l’argent. Ils gagnent des milliards sur le dos des travailleurs à temps plein et des travailleurs temporaires. La seule raison pour laquelle vous gagnez ces milliards est notre sang, notre sueur et nos larmes.
Nous encourageons tous les travailleurs à étudier la déclaration «Unissons-nous pour mettre fin aux suppressions d’emplois» et à contacter le Comité de la base pour la lutte contre les suppressions d’emplois (RFC-FJC). Pour obtenir plus d’informations et signaler les conditions sur votre lieu de travail, remplissez le formulaire ci-dessous.
(Article paru en anglais le 24 février 2026)