Êtes-vous un assistant d'enseignement, un assistant diplômé ou un membre du corps professoral contractuel en grève à l'Université York ? Nous aimerions en savoir plus sur vos conditions de travail et sur le rôle du SCFP dans les négociations contractuelles. Écrivez-nous à yorkuniversityrfc@gmail.com pour discuter de la nécessité de créer des comités de grève de la base afin de sortir du cadre de négociation collective pro-employeur et d'empêcher la bureaucratie du SCFP de trahir votre lutte.
3700 assistants d'enseignement (TA), assistants diplômés (GA) et professeurs contractuels de l'Université York de Toronto entament leur deuxième semaine de grève. Ils se battent pour obtenir des augmentations de salaire supérieures à l'inflation et pour mettre fin à la précarité du travail dans l'enseignement post-secondaire, où des étudiants et des diplômés mal payés enseignent la majorité des cours.
L'agent négociateur des grévistes est le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 3903. La section locale a cherché à retarder la grève le plus longtemps possible et travaille avec les dirigeants du SCFP de l'Ontario et du pays pour isoler les grévistes de York de leurs puissants alliés au sein de la classe ouvrière de Toronto et de tout le Canada. Malgré le fait que plus de 8000 travailleurs de l'Université de Toronto (UT), qui effectuent des tâches similaires et sont également représentés par le SCFP, devaient débrayer ce lundi (4 mars), tout ce que les bureaucrates syndicaux ont pu accomplir lors d'un rassemblement le 27 février sur le campus de York a été une déclaration platonique de «solidarité» de la part d'un représentant syndical de l'UT.
Dans notre premier article précédant la grève, nous avons mis en garde les travailleurs contre le rôle perfide du SCFP lors de la grève du personnel de soutien à l'éducation de l'Ontario en 2022, lorsque le syndicat a collaboré avec les autres principaux syndicats du Canada pour étrangler un mouvement de grève générale naissant qui menaçait de se transformer en une confrontation politique directe avec le gouvernement progressiste-conservateur de la province. Après avoir saboté la puissante opposition au projet de loi draconien 28 du premier ministre Doug Ford, le SCFP a imposé une capitulation aux travailleurs faiblement rémunérés, qui comprenait une réduction de salaire en termes réels. Nous avons replacé cette trahison dans le contexte des quatre dernières décennies, au cours desquelles les syndicats pro-capitalistes, au Canada comme dans le reste du monde, se sont intégrés de plus en plus étroitement aux grandes entreprises et à l'État. En étroite collaboration avec les partis capitalistes, ils ont imposé une série de reculs et étouffé les contestations des travailleurs face à l'austérité et à la privatisation. Au Canada, cela a pris la forme d'une alliance entre les syndicats, les néo-démocrates et les libéraux, qui sont depuis longtemps le parti préféré de l'élite dirigeante canadienne pour gouverner le pays.
Un «travailleur» n'est pas d'accord
Un lecteur s'est offusqué de notre association de la section locale 3903 du SCFP avec le reste du syndicat. Dans un commentaire écrit sous le pseudonyme «Travailleur» (Worker), il a déclaré : «Membre du SCFP 3903, j'adore le sentiment pro-ouvrier de l'article, mais le SCFP 3903 est un syndicat radicalement démocratique et fièrement composé de membres de la base. Même tous les membres du comité exécutif et de l'équipe de négociation sont des membres élus de la base. Cet article donne une image vraiment erronée de la section locale et de la façon dont le processus de négociation s'est déroulé. Le SCFP 3903 est l'une des rares sections locales à pratiquer la négociation ouverte, où chaque membre est encouragé à participer à chaque réunion de négociation, et où toutes les demandes et stratégies de négociation sont choisies par les membres. C'est plutôt cool. Il ne fait aucun doute que York est horrible ! Vous devriez contacter la section locale la prochaine fois pour un entretien.»
On est tenté de répondre : n'avons-nous pas déjà entendu tout cela ? Dans des conditions où les luttes majeures des travailleurs prennent de plus en plus la forme d'une rébellion contre l'appareil syndical, qui travaille sans relâche pour étouffer la lutte des classes, les défenseurs de la bureaucratie syndicale se présentent invariablement pour insister sur le fait que, cette fois-ci, tout sera différent. Qu'il s'agisse d'une prétendue meilleure «démocratie» dans la sélection des responsables locaux, d'une négociation «ouverte» ou d'une implication de la «base», la tentative est toujours de distinguer un syndicat ou une section syndicale des organisations responsables d'une défaite après l'autre pour les travailleurs depuis les années 1980.
Comment le SCFP a étranglé la lutte des travailleurs de l'éducation de l'Ontario avec le soutien de la pseudo-gauche
C'est avant tout aux défenseurs professionnels de la bureaucratie syndicale de la pseudo-gauche qu'il incombe d'entretenir de telles illusions. Lorsque la présidente du Conseil des syndicats des conseils scolaires de l'Ontario (CSCSO), Laura Walton, a annoncé à l'été 2022 qu'elle mènerait un cycle de négociations «ouvert» pour 55.000 membres du personnel de soutien à l'éducation, elle a été encensée par des publications de la pseudo-gauche telles que Spring Magazine, une scission des International Socialists, tenants du capitalisme d’État. Malgré son salaire à six chiffres et ses relations étroites avec les échelons supérieurs de la bureaucratie, comme en témoigne son ascension fulgurante à la tête de la Fédération du travail de l'Ontario, Walton a été autorisée par Spring à décrire les membres de la base du syndicat – qui gagnaient en moyenne le salaire de misère de 40.000 dollars par an – comme ses «collègues». Lors d'un long entretien avec Spring en septembre 2022, Walton a eu l'occasion de parler longuement de sa stratégie de «négociation ouverte et transparente» et de «l'engagement des membres entre eux».
Comment cela s'est-il déroulé dans la pratique ? Comme nous l'avons expliqué dans notre premier article, le test de l'«ouverture» et de la «transparence» de Walton a eu lieu lorsque 55.000 membres du CSCSO ont défié le projet de loi 28 du gouvernement Ford, qui invoquait la clause de dérogation pour interdire leur grève de manière préventive. La position courageuse adoptée par les travailleurs de l'éducation contre le gouvernement a galvanisé le soutien de toute la classe ouvrière : des rassemblements ont été rapidement organisés dans toute la province, encourageant des appels à la grève générale. Walton a rapidement jeté par la fenêtre ses négociations «ouvertes» et a passé un week-end à discuter en coulisses avec Ford et les directions d'Unifor et du Congrès du travail du Canada pour mettre fin au mouvement. Après avoir obtenu l'accord de Ford pour retirer le projet de loi 28, Walton – en étroite consultation avec le président national du SCFP, Mark Hancock – a unilatéralement mis fin à la grève sans vote de la base ni satisfaction d'une seule des revendications des travailleurs. En l'espace de deux semaines, le CSCSO a présenté une entente de principe élaborée en coulisses avec le ministre de l'Éducation détesté, Stephen Lecce, qui prévoyait des baisses du salaire réel et des coupes dans le financement des budgets de l'éducation. Les membres ont été poussés à voter «oui» par des avocats bien payés de l'appareil national du SCFP, qui ont menacé les travailleurs qu’ils allaient être isolés s'ils relançaient leur grève.
Pour dissimuler la trahison, les défenseurs de la pseudo-gauche de Walton se sont empressés de proclamer le caractère «historique» de la nouvelle convention collective. Spring a déclaré que Walton avait mené une «grève réussie qui a fait échouer le projet de loi 28 de Doug Ford» et l'a invitée à être la tête d'affiche de sa conférence mal nommée «Octobre rouge» en 2023.
Quant à La Riposte (aujourd'hui pompeusement rebaptisé Révolution communiste), elle a approuvé l'arrêt unilatéral de la grève par Walton et Hancock sans discussion avec la base, déclarant que les conditions n'étaient pas mûres pour une grève générale. Tout ce que La Riposte a osé dire après que Walton ait fait adopter l’entente de trahison, c'est qu'elle avait fait une «grosse erreur», comme si l'on pouvait attendre autre chose d'une bureaucrate syndicale bien payée et d'une partisane de l'alliance syndicats-NPD-libéraux.
Le fait est que Walton n'a pas mené une «grève réussie» en promettant des «négociations ouvertes» et une «démocratie de la base». Elle n'a pas non plus commis une «grosse erreur» en acceptant un accord de capitulation – du moins pas du point de vue des responsables syndicaux bien rémunérés. Elle a simplement poursuivi la même politique que d'innombrables bureaucrates syndicaux ont mise en œuvre au cours des quatre dernières décennies, y compris ceux qui jurent par leur «transparence», leur «démocratie» et leur appartenance à «la base». Sa principale préoccupation était d'étouffer la lutte des classes et de renforcer les liens de son syndicat avec l'État et les employeurs, ce qui explique pourquoi elle a trahi les intérêts de ses membres en imposant un accord truffé de reculs.
Construire des comités de base en opposition aux appareils syndicaux corporatistes
La trajectoire de Walton est une copie conforme de toutes les factions «dissidentes» de la bureaucratie syndicale en Amérique du Nord qui ont prétendu défendre la «réforme» ou la «démocratisation» des syndicats. Les Teamsters pour un syndicat démocratique (TDU), Unite All Workers for Democracy (UAWD), et les syndicats de l'éducation et de la santé comme la FAE et la FIQ au Québec, qui ont prétendu être plus «militants» et négocier séparément des principales alliances syndicales du secteur public, ont tous fini par imposer à leurs membres les mêmes reculs que les bureaucrates syndicaux les plus à droite.
Shawn Fain, qui a remporté la présidence de l'UAW avec le soutien de l'UAWD, a présidé à une capitulation massive de 150.000 travailleurs américains de l'automobile à l'automne dernier. Sa «grève debout», qualifiée à juste titre de «grève à genou» par de nombreux travailleurs de l'automobile, a permis à l'essentiel de la main-d'œuvre des trois constructeurs basés à Detroit (le Big Three) de rester au travail pendant plus d'un mois et d'engranger des bénéfices pour Ford, GM et Stellantis, tandis que quelques milliers de collègues étaient laissés à l'abandon sur les piquets de grève avec des indemnités de grève faméliques. Fain a ensuite imposé un accord de capitulation qui a préparé le terrain pour un massacre de l’emploi, comme le soulignent les milliers de licenciements annoncés dans les mois qui ont suivi. En janvier, Fain faisait partie des dignitaires de l'UAW qui ont rencontré «Joe le génocidaire» Biden derrière un mur de policiers anti-émeutes et qui ont promis au président américain que son syndicat était prêt à «faire la guerre» pour lui.
La série interminable de trahisons syndicales n'est pas le produit de mauvais dirigeants ou d'une erreur de stratégie politique qui peut être corrigée. Elle découle plutôt de la nature même des syndicats qui, au cours des quatre dernières décennies, ont été transformés en outils des patrons et des gouvernements capitalistes pour étouffer la lutte des classes. Enracinés dans l'État-nation dépassé et pro-capitalistes jusqu'à la moelle, les appareils syndicaux comptent parmi les plus ardents défenseurs de leur «propre» classe dirigeante, qui se bat pour garantir ses profits par la guerre impérialiste à l'étranger et l'austérité à l'intérieur du pays afin d'assurer la «compétitivité» au niveau mondial. La bureaucratie utilise la «négociation collective» et d'autres mécanismes «légaux» pro-employeurs pour isoler toutes les luttes et imposer les exigences des patrons.
Le Canada est un excellent exemple de ce processus, connu sous le nom de corporatisme. Les principales bureaucraties syndicales sont devenues les principaux piliers du soutien au gouvernement libéral pro-guerre et pro-austérité, dont la majorité au parlement repose sur les votes du NPD, soutenu par les syndicats. L'alliance entre les libéraux, les syndicats et le NPD est considérée par la faction dominante de la classe dirigeante canadienne comme un mécanisme clé pour bloquer le développement d'une lutte politique par les travailleurs contre son programme de guerre de classe, y compris l'élimination du financement de l'éducation, de la maternelle à l'université, et d'autres services publics. L'alliance intime de la bureaucratie syndicale avec le gouvernement libéral de Trudeau implique son soutien à un régime qui soutient le génocide d'Israël contre les Palestiniens et la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie, et qui diffame les opposants à la guerre et au génocide en les qualifiant d'«antisémites» ou de laquais de Poutine.
Rien ne permet de penser que la section locale 3903 du SCFP offre une alternative à cela. Dans ses misérables questions-réponses envoyées à ses membres avant la grève, la section locale 3903 du SCFP a évité de mentionner un seul événement au-delà du campus de York et a limité ses plans de grève à la campagne de pression la plus banale sur la «négociation collective». La section locale n'a rien dit sur la menace d'une loi de retour au travail, même si la dernière grève de 2018 avait été écrasée précisément par une telle loi antidémocratique.
C'est pourquoi le World Socialist Web Site et l'International Youth and Students for Social Equality appellent les travailleurs en grève de l'Université de York à former des comités de grève de la base en opposition à la bureaucratie du SCFP. Ces comités permettront aux travailleurs de contrer les manœuvres de la bureaucratie visant à court-circuiter la grève et à sortir du cadre étouffant de la «négociation collective» pro-employeur, en mobilisant le soutien des étudiants, de tous les travailleurs du campus et de l'ensemble de la classe ouvrière à travers l'Ontario et le Canada, qui font face à des attaques similaires contre leur niveau de vie, les services publics et le droit de grève. Grâce à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), les grévistes peuvent unifier leur lutte avec celles des travailleurs aux États-Unis et dans le monde entier dans une contre-offensive politique contre l'austérité capitaliste et la guerre, et pour une transformation socialiste de la société afin de protéger l'éducation publique. Cette lutte a déjà donné lieu à l'émergence de comités de base parmi les travailleurs de l'automobile aux États-Unis et en Allemagne, les travailleurs des postes en Grande-Bretagne et en Australie, et les travailleurs du secteur public au Québec. Les grévistes de l'Université York ne devraient pas tarder à prendre leur place dans cette rébellion mondiale qui se développe.
(Article paru en anglais le 3 mars 2024)