Les ouvriers de l’automobile ont manifesté leur colère lundi lorsque Stellantis a licencié environ 1.000 travailleurs supplémentaires (temporaires) dans les usines de Toledo Assembly Complex et Detroit Assembly Complex-Mack, qui construisent des véhicules de la marque Jeep. Ces licenciements font partie des 2.300 employés supplémentaires, également appelés SE, qui ont été licenciés dans l’Ohio, le Michigan et l’Indiana selon les termes de la convention collective UAW-Stellantis de l’année dernière.
Les travailleurs ont été informés de leur licenciement par des appels téléphoniques. Toutefois, certains d’entre eux ne savaient même pas qu’ils avaient été licenciés jusqu’à ce qu’ils tentent de pointer le lundi matin et découvrent que leurs badges avaient été désactivés. Certains des SE ayant jusqu’à six ans d’ancienneté ont été licenciés, car l’UAW a accepté de baser arbitrairement les réductions sur les numéros de sécurité sociale, et non sur les dates d’embauche.
Le World Socialist Web Site a reçu des informations selon lesquelles plus de 400 travailleurs de l’usine Jeep de Toledo ont débrayé lundi soir pour protester contre les licenciements, ce qui a entraîné un arrêt temporaire de la production de la Jeep Wrangler, le modèle le plus vendu. La direction aurait qualifié cette action de «grève sauvage» et menacerait de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des travailleurs.
Le syndicat United Auto Workers n’a fait aucune déclaration pour s’opposer aux licenciements ou pour répondre aux menaces de la direction à l’encontre des travailleurs de la base. Le Detroit News a rapporté lundi que le président de l’atelier de la section locale 12 de l’UAW, Mike Sawaya, avait envoyé un SMS à ses membres, indiquant que 341 travailleurs supplémentaires avaient été licenciés et qu’il ne restait plus que 50 SE à l’usine de Toledo. «Ils ont l’intention de garder ces 50 personnes pendant un certain temps avant de les licencier à leur tour», a-t-il déclaré.
Les licenciements collectifs ont été menés de la manière la plus brutale qui soit, Stellantis informant froidement les travailleurs que les réductions visaient à «améliorer l’efficacité, la productivité et la compétitivité sur le marché de nos installations dans le cadre de la mise en œuvre de notre plan stratégique DARE Forward 2030».
Un nombre non divulgué de travailleurs supplémentaires a également été licencié à l’usine Mack de Detroit, qui fabrique le Jeep Grand Cherokee. Le mois dernier, Stellantis a supprimé la troisième équipe de l’usine Mack, ce qui a entraîné la suppression de 2.455 emplois, dont 750 SE. Les responsables de l’UAW ont également averti les travailleurs de l’usine Warren Truck, située à proximité, que «la direction mondiale considérait l’usine en vue d’une réduction des effectifs».
Les licenciements de Stellantis s’inscrivent dans le cadre d’une hémorragie mondiale de l’emploi, les constructeurs automobiles cherchant à se décharger sur les travailleurs de l’énorme coût de la production de véhicules électriques. Des licenciements de travailleurs de Stellantis en France et en Italie sont actuellement en préparation, notamment dans les usines italiennes de Mirafiori et Pomigliano d’Arco.
Ces licenciements ont suscité une énorme colère. Lors de la ratification de la convention collective UAW-Stellantis de 2023, les travailleurs ont été informés que les travailleurs supplémentaires seraient employés à temps plein. Il a été révélé plus tard qu’il s’agissait d’un mensonge. L’accord exigeait seulement que Stellantis transforme 1.957 SE en postes à temps plein dans l’ensemble de l’entreprise, ainsi que 900 autres à l’usine de Toledo. Le 12 janvier, Stellantis a licencié sommairement 539 intérimaires et le lendemain, Rich Boyer, vice-président de l’UAW pour Stellantis, a admis que 1.600 autres SE seraient licenciés dans les mois à venir. Stellantis déclare à présent qu’elle ne prévoit de conserver que 500 travailleurs supplémentaires dans l’ensemble de l’entreprise à l’avenir.
Le 2 mars, au moment où la nouvelle vague de licenciements automatisés par téléphone commençait, un groupe de travailleurs supplémentaires licenciés a organisé un piquet de grève devant le siège de la Maison de la solidarité de l'UAW à Detroit pour protester contre les licenciements et exiger le rappel de tous les travailleurs licenciés. L'action a été soutenue par le Comité de base de lutte contre les suppressions d’emploi (Rank-and-File Committee to Fight Job Cuts), qui se bat pour unir tous les travailleurs de l'automobile au-delà des industries et des frontières afin de défendre les emplois.
Des reportages font également état de licenciements massifs de travailleurs supplémentaires sur la base de fausses accusations à l’usine de Freud Avenue, située à côté de l’usine Stellantis Assembly Complex-Jefferson a Detroit. Les travailleurs y effectuent la préparation des pièces en vue de l’assemblage final. De nombreux travailleurs de Toledo Jeep ont été contraints de déménager à Detroit, avant d’être licenciés.
Un travailleur de Toledo Jeep a déclaré: «Certains des SE ont reçu des appels téléphoniques automatisés dimanche et d’autres se sont présentés au travail lundi et leurs badges n’ont pas fonctionné. Les responsables syndicaux ne disent rien et la situation est très tendue à l’intérieur de l’usine. La production est perturbée parce qu’ils ont licencié tant de personnes, mais c’est comme s’ils s’en fichaient. J’ai vu que les SE avaient organisé une manifestation devant le siège de l’UAW. J’espère que d’autres membres viendront les soutenir parce que les entreprises suppriment beaucoup d’emplois.»
Un autre travailleur a déclaré: «Comme si ce n’était pas assez, certains des travailleurs ont rejoint la chaine de production et ont commencé à travailler lundi, mais le syndicat les a escortés hors du bâtiment. Certains de ces mêmes travailleurs ont ensuite reçu un appel d’un superviseur leur disant: “Vous n'étiez pas sur la liste, pouvez-vous revenir travailler?”»
À propos de l’importante grève de lundi soir, le travailleur a ajouté: «C’était un message à l’UAW pour lui dire que la convention collective était pourrie. Les SE pensaient avoir une chance équitable. Ils ont été utilisés comme des marionnettes et ne le savaient pas. C’était un coup monté. Tout le monde sait maintenant que [le président de l’UAW], Shawn Fain, n’est pas ce qu’il prétendait être.»
Une ancienne SE de l’usine Jeep de Toledo a décrit comment elle se sentait. «Je suis bouleversée, je ne peux pas le décrire. Ils nous ont fait tellement de mal. J’étais là depuis 3 ou 4 ans. Je n’ai jamais manqué un jour. Je n’ai jamais pris de congé. Lorsque j’ai été embauchée en 2020, je pensais que je pourrais rester à ce poste jusqu’à ma retraite. Puis on nous a dit que les licenciements se feraient par numéro de sécurité sociale, et non par date d’embauche. D’où cela vient-il?
«J’ai dû accepter une baisse de salaire pour trouver un autre emploi. Il est difficile de trouver à Toledo un travail qui rapporte ne serait-ce que 21 dollars, alors j’ai dû accepter le premier emploi qui s’offrait à moi. Les gens ont des enfants, ils ont des factures à payer.»
Elle est particulièrement en colère contre les mensonges que la bureaucratie de l’UAW a fait miroiter aux travailleurs. «Shawn Fain a trompé beaucoup de gens. Nous pensions qu’il était pour nous, que nous avions éliminé les corrompus. Il a été nommé “homme de l’année”, mais il nous a laissé tomber. Il savait ce qu’il faisait depuis le début. La grève n’était là que pour faire de la publicité, pour qu’ils puissent dire qu’ils se battaient pour nous. Mais ils se sont servis de nous pour faire passer la convention collective.»
Après l’annonce des licenciements, «Nous nous promenions tous les jours dans l’usine pour demander à l’UAW ce qui se passait. Ils nous répondaient qu’ils ne savaient pas. Pourquoi ne le savaient-ils pas? Ils prélevaient les cotisations sur nos chèques tous les mois.»
Elle s’est dite encouragée par la lutte menée par le Comité de base de lutte contre les suppressions d’emploi. «J'aimerais regarder Shawn Fain en face et lui dire ce que je pense de lui.»
La colère gronde également à Kokomo, dans l’Indiana, où au moins 385 SE ont été sommairement licenciés dans les usines de Stellantis en janvier. De nombreux travailleurs reprochent à l’entreprise la mort inattendue et tragique, la semaine dernière, d’un travailleur supplémentaire de l’usine de transmission Stellantis de l’Indiana, qui s’est apparemment suicidé.
«Les gens disent qu’il pensait qu’il allait perdre sa maison parce que sa femme avait également perdu son emploi. Il était vraiment déprimé», a déclaré au WSWS une travailleuse supplémentaire de Stellantis, originaire de Kokomo, qui a été licenciée. «J’avais l’habitude de le voir dans l’usine, mais je ne le connaissais pas. Ce n’est que le lendemain de ce décès que j’ai appris ce qui se passait. Les travailleurs collectent de l’argent pour sa famille.»
Elle a ajouté: «Les gens veulent que Shawn Fain s’en aille. Les travailleurs de ma section locale sont mécontents de lui et de l’UAW International. Les responsables syndicaux locaux disent qu’ils veulent que Shawn Fain vienne ici et explique pourquoi tout le monde a perdu son emploi, mais l’UAW ne les rappelle pas.»
«C’est très triste que des gens aient travaillé si dur pendant tant d’années pour Stellantis, qu’ils aient contribué à la prospérité de l’entreprise, et qu’ils soient ensuite mis de côté et que le syndicat ne se batte pas pour eux», a déclaré un travailleur de l’usine de moteurs Stellantis de Kokomo au WSWS. «J'aurais aimé que Stellantis et le syndicat se soucient suffisamment de la situation pour empêcher quelqu’un de faire quelque chose de radical à cause de la façon dont il a été traité.»
En réponse à la grève des travailleurs de Toledo Jeep, Jerry White, candidat du Parti de l’égalité socialiste à la vice-présidence des États-Unis, a publié le message suivant sur X/Twitter:
White a écrit:
En tant que candidat à la vice-présidence du SEP, je soutiens la position prise par les travailleurs de Stellantis contre le licenciement brutal de 341 travailleurs supplémentaires (temporaires) à l’usine d’assemblage de Jeep à Toledo. Lundi après-midi, des centaines de travailleurs à temps plein ont débrayé pour s’opposer aux licenciements, ce qui a incité la direction à dénoncer la «grève sauvage». J’invite les travailleurs de l’ensemble de l’industrie automobile à préparer une action collective contre les représailles de la direction et à exiger la réintégration immédiate des milliers de travailleurs licenciés dans l’Ohio, le Michigan et l’Indiana.
Le licenciement des SE de Toledo, dont beaucoup sont des parents seuls et travaillent comme intérimaires depuis des années, illustre l’indifférence insensible du système capitaliste à l’égard de la classe ouvrière. Cela met également en lumière la trahison de la bureaucratie de l’UAW, qui a dit à ces travailleurs qu’ils seraient convertis en postes à temps plein dans le cadre des «contrats historiques» signés par le président de l’UAW Shawn Fain et salués par le président Biden l’année dernière.
Les travailleurs de l’automobile doivent organiser la lutte contre les suppressions d’emplois indépendamment de la bureaucratie de l’UAW et s’associer aux travailleurs qui luttent contre les licenciements chez UPS et dans d’autres entreprises. Les travailleurs américains doivent se joindre à leurs frères et sœurs au-delà des frontières nationales pour combattre la guerre capitaliste mondiale contre la classe ouvrière. Pour aller de l’avant, Joe Kishore, candidat à la présidence du SEP, et moi-même nous battons pour l’expansion de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base.
(Article paru en anglais le 6 mars 2024)