L'Union européenne renforce ses tarifs douaniers sur les véhicules électriques chinois

À chaque réunion des organisations économiques et financières internationales, comme le Fonds monétaire international, des avertissements sont lancés que les tarifs douaniers et autres mesures protectionnistes fracturent l’économie mondiale, qu’ils entraînent un ralentissement de la croissance économique ou pire, notamment la formation de blocs commerciaux antagonistes comme ceux ayant caractérisé les années 1930.

Des mannequins posent à côté du BYD Seal 06 Dmi dévoilé au salon de l’Auto China 2024 de Pékin, le jeudi 25 avril 2024. [AP Photo/Ng Han Guan]

Mais malgré ces avertissements, repris dans les commentaires des analystes financiers et économiques, des barrières douanières continuent d’être érigées. Les États-Unis ont été les premiers à imposer des droits de douane plus élevés et des contrôles sur les exportations de haute technologie, instaurés sous la présidence Trump et nettement intensifiés par Biden.

L'Union européenne les a désormais rejoint en imposant cette semaine un tarif supplémentaire de 35 pour cent sur les véhicules électriques chinois, en plus des 10 pour cent déjà en vigueur.

Les nouvelles mesures, qui entreront en vigueur la semaine prochaine, doivent durer cinq ans. Elles ont été introduites au motif que les constructeurs chinois de véhicules électriques bénéficiaient injustement de subventions publiques.

Le gouvernement chinois a rejeté les allégations de soutien indu de l’État, affirmant qu’il «continuerait à prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder résolument les droits et intérêts légitimes de toutes les entreprises chinoises».

Bien que des subventions et une assistance soient accordées, comme dans d’autres pays, la véritable raison de la pénétration croissante de la Chine sur le marché de l’UE est que la technologie chinoise est plus avancée et que sa structure de coûts est nettement plus basse.

C'est l'une des raisons pour lesquelles l'imposition de droits de douane a rencontré une forte opposition de la part du gouvernement et des constructeurs automobiles allemands, qui cherchent à collaborer avec les producteurs chinois comme moyen de survivre dans la lutte mondiale qui s'intensifie dans ce secteur. Ils craignent également que les mesures tarifaires n'entraînent des mesures de rétorsion qui frapperont leurs marchés en Chine.

La décision d'imposer ces droits de douane est intervenue après huit cycles de négociations visant à trouver un mécanisme permettant de fixer un prix minimum en fonction du volume des exportations chinoises. Mais les négociations ont échoué, les deux parties affirmant que les divergences de vues restaient importantes.

D’autres discussions doivent avoir lieu, l’UE acceptant une invitation de la Chine à envoyer des émissaires à Pékin pour voir si un accord peut être trouvé sur ces mécanismes.

Ces droits de douane ont été instaurés à la suite d’une enquête lancée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en octobre dernier. Leur imposition a suscité une opposition considérable au sein de l’UE. Sur les 27 membres, cinq, Allemagne et Hongrie en tête, ont voté contre et 12 se sont abstenus. Avant la décision, le gouvernement espagnol a appelé à un «réexamen» du projet.

Mais la Commission a décidé d’aller de l’avant, ce qui tend à indiquer que les considérations géopolitiques, notamment l’alignement sur la guerre économique des États-Unis contre la Chine, plutôt que la question des subventions, ont joué un rôle considérable.

En annonçant cette décision, le commissaire européen au commerce, Valdis Dombrovskis, a campé sur sa position : il s'agissait bien de subventions et de pratiques commerciales déloyales de la part de la Chine.

Il a déclaré qu'en «adoptant ces mesures proportionnées et ciblées après une enquête rigoureuse, nous défendons des pratiques de marché équitables et la base industrielle européenne».

«Nous saluons la concurrence, y compris dans le secteur des véhicules électriques, mais elle doit être étayée par l’équité et des conditions de concurrence équitables», a déclaré M. Dombrovskis.

La référence à la nécessité de protéger la «base industrielle européenne» indique cependant qu’une des raisons sous-jacentes au moins de la décision est que toutes les grandes puissances cherchent à développer leurs capacités pour passer à une économie de guerre.

Les divisions au sein de l'UE, qui figurent parmi les plus importantes de son histoire en matière de commerce, ont été soulignées par les commentaires de l'Allemagne. Hildegarde Müller, présidente de l'Association allemande de l'industrie automobile (VDA), a déclaré que la décision constituait «un revers pour le libre-échange mondial et donc pour la prospérité et la croissance de l'Europe».

«L’industrie n’est pas naïve dans ses relations avec la Chine, mais les défis doivent être résolus par le dialogue», indique un communiqué.

Selon un communiqué du ministère allemand des Finances, Berlin «défend les marchés libres. Car l’Allemagne en particulier, en tant qu’économie interconnectée au niveau mondial, en dépend».

Le directeur général de BMW, Oliver Zipse, a déclaré que le protectionnisme ne ferait que rendre les voitures plus chères pour les consommateurs et accélérer les fermetures d'usines en Europe.

L’interdépendance de l’industrie automobile mondiale a été soulignée par Roberto Vavassori, qui a déclaré au Financial Times (FT) que «pour de nombreux fournisseurs de l’industrie automobile, [les Chinois] sont à la fois le plus grand danger et le plus gros client».

L’attitude de certains des principaux constructeurs automobiles semble être que, dans un contexte où la Chine développe des composants technologiquement plus avancés, leur meilleur espoir de survie dans la lutte mondiale de plus en plus intense pour les marchés et les profits ne réside pas dans l’érection de murs tarifaires, qui augmentent les coûts et invitent à des représailles, mais dans le développement d’une forme de collaboration avec les producteurs chinois.

La structure de coûts plus faible est significative. Le FT a rapporté que les principaux constructeurs chinois produisent des véhicules électriques qui sont technologiquement plus avancés que leurs homologues européens et 30 pour cent moins chers.

La rapidité de l'innovation, et non seulement son coût, est un autre facteur. Selon une estimation citée par le FT, les entreprises chinoises développent de nouvelles voitures, intégrant une technologie et un design améliorés, en un an seulement, contre quatre ans en Europe.

Les motivations derrière l'opposition aux tarifs douaniers de certains des principaux producteurs européens ont été indiquées dans les commentaires faits au FT par Andy Palmer, l'ancien patron de la firme britannique Aston Martin.

«Qu’ont fait les Chinois, les Japonais et les Coréens lorsqu’ils étaient en retard sur le plan technologique? Ils ont collaboré. L’industrie européenne doit inciter les Chinois à s’implanter en Europe et doit collaborer avec eux, notamment sur le plan de la technologie des batteries, afin de rattraper son retard», a-t-il commenté.

Pour les travailleurs de l’industrie automobile, en Europe et à l’international, aucune de ces deux voies n’est la bonne dans une situation où ils sont confrontés à une vague de destruction d’emplois et de baisses de salaires.

Les hausses de tarifs ne protégeront pas les emplois, mais s’accompagneront d’une intensification de l’exploitation des travailleurs restants, qui sera facilitée par les appareils syndicaux. De même, les efforts des entreprises pour développer des joint-ventures ou d’autres formes de collaboration impliqueront une réduction considérable de la structure des coûts, qui se traduira par des coupes dans les emplois et les salaires.

La seule perspective viable est celle basée sur un programme socialiste, c’est-à-dire sur la lutte pour prendre le pouvoir politique et faire des géants mondiaux de l’automobile des entreprises publiques afin que les énormes avancées technologiques puissent être utilisées et développées pour le bénéfice de tous, plutôt que pour stimuler les bilans financiers.

(Article paru en anglais le 1er novembre 2024)

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