Perspective

Un carnaval de la réaction : le G20 se réunit à Rio

Rio de Janeiro était quadrillée hier, alors que les chefs d'État arrivaient pour le sommet du G20 de 2024. Les rues étaient désertes, le président brésilien Luis Inácio Lula de Silva ayant déclaré un jour férié de deux jours pour encourager les habitants de Rio à partir et envoyé 25.000 soldats dans la ville. La marine brésilienne patrouillait au large des plages de Copacabana et d'Ipanema, et des blindés encerclaient le site du sommet, le Musée d'art moderne.

Les dirigeants du sommet du G20 posent pour une photo à Rio de Janeiro, le lundi 18 novembre 2024.

Le sommet du G20, fondé en 1999 après la crise financière en Asie du Sud-Est, se réunit chaque année depuis le krach de Wall Street en 2008, avec pour mandat de résoudre les problèmes mondiaux via la coopération économique internationale. Mais aujourd'hui, il n'y a de coopération que sur des plans d'escalade militaire et d'attaques contre la classe ouvrière.

Un air de pessimisme et de désorientation règne au sommet du G20, avec le génocide de Gaza et de la réélection du milliardaire fasciste Donald Trump à la présidence des USA. Le dérèglement mondial du système capitaliste s’intensifie, et l’illusion que les besoins sociaux des travailleurs peuvent être satisfaits par des gouvernements capitalistes dédiés à la guerre et aux profits de l'oligarchie financière s’effrite.

«Je le dis avec tristesse, le monde est pire. On a le plus grand nombre de conflits armés depuis la Seconde Guerre mondiale et le plus grand nombre de réfugiés dans l’histoire», a dit Lula en ouvrant le sommet, évoquant les 120 millions de réfugiés. Mais son ordre du jour pour le sommet (lutte contre la faim, réforme de la gouvernance mondiale et développement vert) n’avait aucun point sur l'arrêt des guerres, des génocides ou des crises de réfugiés.

Les dirigeants européens ont balayé ce programme, affirmant qu'il ne survivrait pas à l’arrivée au pouvoir de Trump, dont l'équipe de transition menacé de se retirer des accords sur le climat, voire de l’ONU. «Nous sommes tous censés nous asseoir là, parler de l'avenir de la coopération mondiale et prétendre qu'il n'y a pas [Trump] qui arrive et qui s'en moque», a dit l'un d'eux au Financial Times. «Il est difficile de penser que ce qui a été décidé a beaucoup d'avenir.»

La réélection de Trump n'est cependant que l'expression la plus répugnante de la restructuration brutale du capitalisme mondial par l'impérialisme dans l'intérêt de l'oligarchie financière, via la guerre, le génocide, la réaction policière et l’intensification de l'exploitation des travailleurs.

Le principal représentant de la barbarie impérialiste au sommet de Rio est le président sénile des États-Unis, Joe Biden, récemment répudié dans les urnes. Il y a quelques semaines à peine, Biden et le Parti démocrate avertissaient que Trump est un fasciste qui veut imposer une dictature.

A Rio, Biden a marmonné que «nous avons fait de bons progrès» pour «relever les défis des pandémies et du changement climatique», alors que les gouvernements du monde entier, menés par le sien, ont laissé le COVID-19 se propager sans contrôle, éventré les programmes de prévention de futures pandémies et abandonné leurs engagements sur le changement climatique.

Il s'est engagé à réduire «l'insécurité alimentaire», alors que son gouvernement permet à Israël d’affamer la population de Gaza. Il a réitéré son soutien au génocide en déclarant qu'Israël a le «droit de se défendre».

Biden a dit qu'il «soutient fermement l'Ukraine » dans la guerre avec la Russie et a exigé que le G20 fasse de même. La veille, il avait autorisé l'Ukraine à utiliser des missiles américains, et des données de ciblage du Pentagone, pour des frappes à longue portée contre la Russie. Il a défié les avertissements antérieurs du Kremlin que cela provoquerait une guerre OTAN-Russie, voire un conflit nucléaire, ainsi que les sondages montrant que 9 personnes sur dix en Amérique du Nord et en Europe occidentale s'opposent à une escalade militaire contre la Russie.

Les diplomates observent de près le président argentin fascisant Javier Milei, qui est allé voir Trump à Mar-a-Lago avant d'arriver à Rio, pour deviner quelles politiques Trump adopterait. Trump a qualifié l'austérité brutale en Argentine de modèle pour les coupes budgétaires de 2.000 milliards de dollars que le milliardaire Elon Musk et Trump veulent imposer aux USA. Hier, Milei, un partisan du régime pro-OTAN en Ukraine, a déclaré de manière provocatrice son hostilité envers les politiques visant à réduire la faim.

Les gouvernements européens font le silence, comme Biden, sur les menaces de Trump d'instaurer une dictature et que cette élection présidentielle pourrait être la dernière. Ils utilisent le virage massif à droite pour imposer des dizaines de milliards d'euros en coupes sociales et détourner des fonds vers «l'économie de guerre». Alors que Macron rencontrait Milei, le Premier ministre britannique Keir Starmer a exigé que le G20 «redouble d'efforts» pour soutenir l'Ukraine, et le chancelier allemand Olaf Scholz a dit: «L'Ukraine peut compter sur nous».

À l'instar de Washington, les gouvernements impopulaires d'Europe intensifient la guerre avec un mépris total pour l'opinion. Selon les sondages, seulement 3 pour cent des Allemands soutiennent le gouvernement de coalition de Scholz, et 5 pour cent des Français soutiennent Macron. Quant à Starmer, son taux d’approbation a chuté de 49 pour cent depuis son élection cet été.

Les dirigeants de pays non-impérialistes n’offrent aucune alternative. Défenseurs d’un «monde multipolaire», ils ne veulent qu’un peu plus d’espace pour leurs propres intérêts capitalistes, face aux menaces de guerre et de guerre commerciale des pays impérialistes, sur fond d’une crise mortelle de tout le système capitaliste. Le président russe Vladimir Poutine n’a pu se rendre à Rio par crainte d’y être arrêté à cause de son invasion de l’Ukraine; le Kremlin y était représenté par le ministre des Affaires Etrangères, Serguei Lavrov.

Le président chinois Xi Jinping est arrivé à Rio alors que Trump veut étrangler l'économie chinoise et l'empêcher de dépasser celle des USA en coupant son accès aux marchés américains via des droits de douane. Xi a réagi en rappelant au G20 les principes de «respect mutuel, de coopération sur un pied d'égalité et de bénéfice mutuel et à soutenir les pays du Sud». Il a vanté son programme d'investissement mondial dans les infrastructures de 1 000 milliards, les «Routes de la soie», alors que la croissance chinoise chute à moins de 5 pour cent.

Mais Xi poursuit les intérêts capitalistes de son régime, et non une lutte anticoloniale faisant appel à l'opposition de masse à l'impérialisme parmi les travailleurs. On l’a vu quand les responsables européens, craignant les menaces de Trump de couper de leur accès au marché américain, ont discuté avec Xi. Starmer a promis d’être « prévisible » et de construire une «solide relation sino-britannique», Xi a salué les mesures d'austérité anti-ouvrières et les complots de guerre de Starmer, qui visent selon Xi à «réparer les fondations de l'économie» britannique.

Hier, alors que des informations circulaient selon lesquelles le Premier ministre hindou-chauvin de l'Inde, Narendra Modi, veut des relations étroites avec Trump, Modi a rencontré son homologue fasciste italienne, Georgia Meloni. Il a signé une déclaration avec Meloni, qui cultive des liens avec Musk, s'engageant à une collaboration économique et diplomatique étroite.

A Rio le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué la «position contre l'agression israélienne» de Lula, qui a avoué qu’Israël commet un génocide à Gaza. Mais ce n’est qu’une tentative cynique par Erdogan de dissimuler son propre rôle. En effet, il a continué à fournir du pétrole à Israël tout au long du génocide, aidant ainsi les pays impérialistes de l'OTAN à armer les forces israéliennes qui massacrent des dizaines de milliers de civils sans défense.

Sur fond de cette vague réactionnaire, Lula a fait une proposition qui fait rire: un impôt sur la fortune de 2 pour cent pour les milliardaires des pays du G20. Peut-être le maestro brésilien de la démagogie de gauche a-t-il imaginé que cette revendication r-r-révolutionnaire étonnerait le monde et couperait le souffle à Elon Musk ! Mais la proposition a été rejetée par les dirigeants américains et britanniques et abandonnée. Cet événement pathétique confirme simplement que le système capitaliste ne peut pas être réformé.

Les manœuvres réactionnaires et impopulaires des politiciens bourgeois à Rio dévoilent l'impasse du système capitaliste. Les contradictions identifiées par les grands marxistes comme conduisant à la guerre mondiale au XXe siècle – entre l'économie mondiale et le système d'États-nation, et entre la production socialisée et l'appropriation privée du profit – le conduisent à nouveau dans une crise mortelle. Sur fond de lutte acharnée pour le contrôle de l'économie mondiale, il s'enfonce dans la guerre mondiale, le génocide et la réaction fasciste contre les travailleurs.

Une éruption sociale de la classe ouvrière, forte de milliards d’invidus après des décennies de mondialisation, se prépare contre ces gouvernements. Mais les travailleurs ne trouveront pas le moyen d’arrêter la guerre mondiale, le génocide, le fascisme, le changement climatique ou l’austérité sociale sans renverser le capitalisme. Il faut ôter aux oligarques et aux gouvernements capitalistes illégitimes le contrôle des ressources économiques nécessaires pour répondre aux besoins sociaux et les coordonner à l'échelle internationale via une lutte pour le socialisme.

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