Le parquet de Paris exige l'inéligibilité et l’emprisonnement de la néofasciste Marine Le Pen

Mercredi 13 novembre, le parquet de Paris a requis à l’encontre de Marine Le Pen une peine de cinq ans de prison, dont deux fermes, mais aménageables, une amende de 300.000 euros et cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Cette décision politique vise à empêcher Le Pen de se présenter à la présidentielle de 2027.

Aucune avancée pour les travailleurs contre la guerre, le génocide ou le fascisme ne ressortira de ce jugement. Cela nécessiterait la mobilisation de la classe ouvrière en lutte contre l’impérialisme et l’appareil d’État capitaliste. Or, rien de tel ne s’est produit.

On n’a pas besoin d’être un néofasciste pour voir que la décision du parquet est antidémocratique. C’est un camouflet visant des millions d’électeurs, y compris de nombreux travailleurs, qui votent Le Pen par dépit avec Macron ou le PS. Elle révèle l’intensité des luttes intestines entre fractions de la bourgeoisie, sur fond d’escalade de la guerre en Ukraine contre la Russie, du génocide à Gaza et de la victoire de Trump dans de l’élection présidentielle américaine.

La justice bourgeoise n’est pas en train de lutter contre l’extrême-droite. Elle a normalisé la violente répression policière des travailleurs sous la houlette de forces d’extrême-droite comme le ministre de l’Intérieur monarchiste Bruno Retailleau. De larges sections de la classe dirigeante s’orientent vers l’installation d’un État policier d’extrême-droite, ayant éventuellement le RN comme parti central, avec ou sans Le Pen. En attaquant l’extrême-droite, l’État vise surtout à préparer une répression de l’opposition ouvrière, plus dangereuse, sur sa gauche.

Le Parlement européen poursuit le Rassemblement national pour avoir rémunéré des collaborateurs d'eurodéputés avec les fonds de Bruxelles, alors qu'ils n'effectuaient pas réellement de travail auprès des parlementaires, mais plutôt au service du RN.

Face aux caméras postées devant la salle d’audience, Marine Le Pen aussi députée du Pas-de-Calais, a dénoncé la décision du parquet: «La seule chose qui intéressait le parquet, c'était Marine Le Pen pour pouvoir demander son exclusion de la vie politique (...) et puis le Rassemblement national pour pouvoir ruiner le parti». Le procureur a aussi réclamé une amende ferme de 2,3 millions d’euros au RN.

Au journal télévisé de TF1 le 15 novembre, Marine Le Pen a affirmé que «c’est ma mort politique qui est réclamée».Le vice-président du mouvement, Sébastien Chenu a dénoncé «un parquet au service d’une mission politique». Dans une lettre envoyée jeudi aux adhérents du parti, son président, Jordan Bardella, a écrit que le parquet «veut priver des millions de Français de leur vote».

Au début du procès, un cadre du RN expliquait qu’ «Il n'y a pas eu d'emploi fictif ni d'enrichissement personnel, contrairement à l'affaire Fillon. C'est un débat sur la fonction des assistants parlementaires d'un eurodéputé. Nous, on pense qu'il est normal qu'il fasse de la politique, et qu'il travaille pour le parti. Un dossier complexe, dont les gens se foutent un peu.»

Le Parti de l’égalité socialiste n’a aucune sympathie politique pour l’extrême droite, contre laquelle elle mène une lutte systématique. Mais il est évident que le parquet de Paris a pris une décision disproportionnée, si l’on compare l’affaire des assistants parlementaires du RN avec les peines imposées dans des affaires similaires qui ont touché d’autres partis bourgeois.

Au début des premiers mois de la présidence de Macron en 2017, le MoDem, principal allié d'En marche, a obtenu plusieurs postes de ministres et de nombreux députés à l'Assemblée nationale permettant la formation d'un nouveau groupe parlementaire formant partie de la majorité.

Les députés européens sont soupçonnés d'avoir employé ces assistants pour servir les intérêts de leur parti sans travailler réellement sur les dossiers européens. Dans le cas où ces accusations seraient fondées, cela correspondrait à des emplois fictifs financés par le contribuable européen, constituant un délit.

Après six ans d’instruction, le procès s'est ouvert en octobre 2023. En première instance en février 2024, François Bayrou est relaxé, Michel Mercier, Jean-luc Bennahmias, Janelly Fourtou, Bernard Lehideux, Anne Laperrouze, Alexandre Nardella, Jean-Jacques Jegou sont condamnés à des peines de prison avec sursis, à des amendes et des peines d’inéligibilité. L'Union pour la démocratie française et le MoDem sont condamnés à des amendes.

Le «Penelopegate», comme l’affaire avait été surnommée, a débuté par un article du Canard enchaîné paru en janvier 2017, selon lequel l’épouse de Fillon, candidat à l’Elysée, avait perçu des rémunérations en tant qu’assistante parlementaire de son mari et de M. Joulaud.

L’article avait suscité une enquête du Parquet national financier. En première instance, en juin 2020, François Fillon avait été condamné à cinq ans de prison dont deux fermes pour «détournement de fonds publics», et son épouse à trois ans avec sursis pour complicité ou recel.

En avril 2024, la Cour de cassation a confirmé la culpabilité des trois mis en cause. En revanche, elle a cassé les peines prononcées contre Fillon, en estimant que la partie ferme de sa peine de prison n’était pas correctement motivée, et qu’il n’avait pas nécessairement à reverser à l’Assemblée l’intégralité des salaires versés à son épouse.

Le RN est un parti néofasciste réactionnaire, qui a été présent au deuxième tour des deux dernières élections présidentielles et qui pourrait cette fois-ci remporter l’élection de 2027. Le Pen elle-même a déclaré à plusieurs reprises son soutien pour Trump, et aussi son hostilité envers Berlin et l’Union européenne. Alors que la bourgeoisie française et européenne craint des différends géopolitiques ou commerciaux explosifs avec Trump, l’idée de surveiller Le Pen, soit en prison soit à travers une peine aménagée, intéresse sans doute de nombreux policiers et politiciens bourgeois.

Le geste du parquet n’est pas une victoire pour la défense des droits démocratiques, bien au contraire. Il tend plutôt à renforcer le sentiment de son électorat, face à la démobilisation par Mélenchon et les directions syndicales des luttes ouvrières contre Macron, que le RN est le parti d’opposition persécuté. Or, l’histoire récente souligne que ceci ne fera qu’accélérer le mouvement de l’establishment politique vers l’extrême-droite.

En effet, les divers procès lancés contre Trump, après l’assaut contre le Capitole américain des milices d’extrême droite partisanes de Trump le 6 janvier 2021, n’a pas empêché sa réélection 4 ans plus tard, le Parti démocrate ayant minimisé l’ampleur du coup d’État tenté par Trump.

Si un État policier d’extrême-droite émerge dans tous les pays, c’est qu’il est impossible pour les travailleurs de défendre la démocratie sur une base capitaliste. La défense des droits sociaux et démocratiques nécessite de mobiliser les travailleurs pour le socialisme, contre la guerre impérialiste, le génocide et le capitalisme. Cette lutte est internationale, exigeant une lutte unifiée des travailleurs partageant cette perspective en France et dans d'autres pays.

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