Perspective

Les menaces américaines contre la Cour pénale internationale et la normalisation du génocide

Jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale (CPI) a officiellement émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l'ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant lors d'une conférence de presse à la base militaire de Kirya à Tel Aviv, en Israël, le samedi 28 octobre 2023. [AP Photo/Abir Sultan]

Cette décision témoigne de la criminalité de la guerre d'extermination menée par Israël contre la population de Gaza, avec le soutien des États-Unis et d'autres puissances impérialistes, et qui a entraîné la mort d'au moins 42 000 personnes, voire de 183 000, à Gaza. Plus de 90 % de la population de Gaza d'avant l'invasion a été déplacée à l'intérieur du pays. L'ensemble de la population a subi de graves pénuries de nourriture et d'eau, et la majorité des maisons, des écoles, des hôpitaux et des universités ont été endommagés ou détruits.

Le tribunal a inculpé Netanyahu et Gallant de «crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre» et de crimes contre l'humanité consistant à commettre des meurtres, des persécutions et d'autres actes inhumains.

Cette décision justifie les manifestations de masse menées par des millions de gens dans le monde entier contre le génocide de Gaza, que les gouvernements impérialistes ont faussement dénoncés comme motivés par l'antisémitisme.

La culpabilité de Netanyahou est la culpabilité de l'impérialisme. L'ensemble de l'establishment politique américain, depuis l'administration Biden et le Parti démocrate jusqu’au Parti républicain et à la future administration Trump, tous ont soutenu le génocide et ont condamné à l’unisson la décision de la CPI.

Dans une déclaration faite jeudi, le sénateur américain Tom Cotton a menacé de faire la guerre aux pays, ou même d'assassiner les dirigeants, qui coopèrent avec la CPI, tandis que le sénateur Lindsay Graham a pris la tête d'un groupe bipartite de sénateurs qui font pression pour que les États-Unis sanctionnent la Cour pénale internationale. La Maison-Blanche s'est montrée ouverte aux appels à sanctionner la CPI.

Le président américain Joe Biden a réagi aux mandats d'arrêt de la CPI en déclarant: «L'émission par la CPI de mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens est scandaleuse. Permettez-moi d'être clair une fois de plus: quoi que la CPI puisse laisser entendre, il n'y a pas d'équivalence – aucune – entre Israël et le Hamas. Nous nous tiendrons toujours aux côtés d'Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité».

Effectivement, il n'y a pas d'équivalence. Les Palestiniens sont un peuple opprimé qui a été soumis à des décennies d'occupation par Israël, confiné dans des prisons à ciel ouvert et privé des droits démocratiques les plus élémentaires. Israël est un État massivement armé, financé par l'impérialisme, qui commet un génocide contre une population qu'il occupe illégalement.

Les responsables américains savent bien que les accusations portées par la CPI ne condamnent pas seulement Israël. Un principe juridique bien établi veut que ceux qui financent, dirigent et autorisent un crime soient coupables de sa commission.

Dans la mesure où les responsables américains ont pris la peine de justifier leur attaque contre le dossier de la CPI à l'encontre de Netanyahou, ils ont déclaré, selon les termes de la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, que «la CPI n'est pas compétente en la matière».

Il s'agit là d'une fraude. La Cour internationale de Justice a statué de manière définitive cette année que l'occupation israélienne de la Palestine était illégale, et la Cour pénale internationale a également statué qu'elle a compétence pour porter des accusations contre les dirigeants israéliens pour des crimes commis en Palestine.

Le génocide de Gaza fait partie d'une éruption mondiale de la guerre impérialiste, visant principalement la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran, dans le but de soumettre totalement l'ancien monde colonial aux puissances impérialistes. L’article principal de la dernière édition de Foreign Affairs affirme:

Une ère de guerre limitée est terminée; une ère de conflits globaux a commencé. En effet, ce à quoi le monde assiste aujourd'hui s'apparente à ce que les théoriciens du passé ont appelé la «guerre totale», dans laquelle les belligérants puisent dans de vastes ressources, mobilisent leurs sociétés, donnent la priorité à la guerre sur toutes les autres activités de l'État, attaquent une grande variété de cibles et remodèlent leurs économies et celles d'autres pays.

Déclarer que cette nouvelle ère de guerre mondiale permet aux pays d'«attaquer une grande variété de cibles» est une façon familière de dire que le droit international est suspendu et que les civils, les hôpitaux et les organisations humanitaires sont tous des cibles légitimes. Le «modèle israélien» doit devenir la norme pour la conduite de la guerre par les puissances impérialistes à l'avenir.

La réponse virulente des États-Unis à l'inculpation de Netanyahou par la CPI intervient quelques jours seulement après que Biden et le Premier ministre britannique Keir Starmer ont autorisé le lancement de missiles à longue portée de l'OTAN à l'intérieur de la Russie, malgré les menaces de celle-ci de riposter aux attaques sur son territoire par l'utilisation d'armes nucléaires.

Le parrainage du génocide de Gaza par les puissances impérialistes est un avertissement: elles sont prêtes à accepter la mort d'un nombre incalculable de gens, tant de ceux de leurs adversaires que de leurs propres citoyens, pour atteindre leurs objectifs géopolitiques. Les dégâts causés par les dizaines de milliers de bombardements israéliens sur plus d'un an – équivalents à deux bombes nucléaires de la taille de celle d'Hiroshima – peuvent être causés en un instant par une arme nucléaire moderne.

En affirmant qu'il n'appliquera pas le mandat d'arrêt de la CPI, le gouvernement allemand a déclaré: «C'est une conséquence de l'histoire allemande que nous partageons des relations uniques et une grande responsabilité avec Israël». Le Telegraph a traduit cette déclaration de manière plus familière ainsi: «L'Allemagne n'arrêtera pas Netanyahou “en raison de son histoire nazie”».

Cela est vrai, mais pas dans le sens où l'entend le Telegraph. Israël mène, bien qu'à plus petite échelle, le type de «guerre d'extermination» menée par l'Allemagne nazie contre l'Union soviétique. Cette méthode de guerre deviendra de plus en plus la norme dans les guerres menées au plan mondial par les puissances impérialistes.

Dans sa déclaration du Nouvel An 2024, le comité de rédaction du WSWS a lancé l'avertissement suivant :

Toutes les «lignes rouges» qui distinguent la civilisation de la barbarie s’effacent. La devise des gouvernements capitalistes est: «Rien de ce qui est criminel ne nous est étranger». La guerre nucléaire est «normalisée»; le génocide est «normalisé»; les pandémies et l’élimination délibérée des infirmes et des personnes âgées sont «normalisées»; l’incroyable degré de concentration des richesses et les stupéfiantes inégalités sociales sont «normalisés»; la suppression de la démocratie et le recours à l’autoritarisme et au fascisme sont «normalisés».

Les crimes de l'Allemagne nazie, condamnés comme des aberrations par les gouvernements capitalistes du passé, sont de plus en plus acceptés comme modèle dans la conduite de la politique étrangère impérialiste.

Dans leur réponse aux accusations portées par la CPI contre Netanyahou, les puissances impérialistes ont clairement indiqué qu'elles avaient l'intention de continuer à financer et à armer le génocide à Gaza et de protéger ses persécuteurs contre toute imputation. Cela a clairement montré que la lutte pour mettre fin au génocide est nécessairement une lutte pour abolir l'impérialisme, et que cela nécessite le développement d'un mouvement de masse dans la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 23 novembre 2024)

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