Le Comité de base des travailleurs des postes (Canada) organise une réunion publique en ligne le dimanche 8 décembre à 13h, heure de l’Est : « La grève chez Postes Canada à un tournant ». Inscrivez-vous ici pour participer.
La grève des 55.000 travailleurs de Postes Canada, qui dure maintenant depuis trois semaines, est une bataille de classe majeure dont l'issue aura un impact matériel sur tous les travailleurs. Elle oppose les postiers non seulement à un employeur connu pour son indifférence à l'égard de la santé et de la sécurité des travailleurs, mais aussi au gouvernement libéral de Trudeau, qui exerce un contrôle ultime sur la société d'État et sur l'ensemble des entreprises canadiennes.
Pour que les postiers l'emportent, il faut mobiliser la classe ouvrière dans tous les secteurs du transport et de la logistique, et dans toutes les autres sphères économiques, et faire de la grève le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre le programme d'austérité et de guerre de classe de l'élite capitaliste.
Une telle lutte doit nécessairement impliquer une rupture politique avec la politique des bureaucraties du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et du Congrès du travail du Canada (CTC), qui sont elles-mêmes des alliés proches du gouvernement Trudeau. Elles propagent la fiction selon laquelle les travailleurs des postes peuvent obtenir leurs revendications par le biais du système de « négociation collective » conçu par l'État et favorable aux employeurs, et en menant leur lutte comme une lutte contractuelle isolée.
Pour sortir de l'emprise de l'alliance syndicale, néo-démocrate et libérale – condition préalable à la mobilisation du pouvoir industriel et politique de la classe ouvrière – les travailleurs doivent prendre la lutte en main en mettant sur pied des comités de base. Il ne sera possible de défier avec succès l'intervention imminente du gouvernement pour briser la grève des postiers et imposer les exigences de Postes Canada que si des sections plus larges de travailleurs sont mobilisées dans un mouvement industriel et politique pour faire tomber le gouvernement Trudeau et lutter pour le transfert du pouvoir politique à la classe ouvrière.
Les problèmes auxquels sont confrontés les postiers sont d'une importance vitale pour l'ensemble de la classe ouvrière
Les questions au cœur de la grève des postiers concernent l'ensemble de la classe ouvrière. L'introduction par la direction de Postes Canada de l'automatisation et de l'intelligence artificielle (IA) pour augmenter la charge de travail et l'« efficacité », sa pression pour augmenter le nombre de travailleurs permanents à temps partiel et de travailleurs contractuels temporaires, et son saccage des droits à la retraite et aux avantages sociaux seront familiers aux travailleurs de l'ensemble du pays.
Les plans de restructuration de Postes Canada, qui, selon certains calculs, pourraient entraîner la suppression de plus de 20.000 emplois à temps plein, s'inscrivent dans le cadre d'une campagne concertée de la classe dirigeante visant à maximiser les profits et à privatiser les services publics. Tous les travailleurs qui dépendent du système éducatif, des soins de santé, des services sociaux et des services postaux seront touchés par ces mesures, que ce soit directement en tant qu'employés ou indirectement dans leur vie quotidienne.
L'issue de la lutte des postiers aura des conséquences importantes sur le droit de grève, qui fait l'objet d'attaques systématiques dans tout le Canada et qui a été pratiquement aboli dans les cas où les travailleurs sont en position de force. Le gouvernement libéral soutenu par les syndicats a criminalisé de nombreuses grèves en utilisant la législation de retour au travail, y compris la campagne de grèves tournantes des travailleurs postaux en 2018. Ces derniers mois, il s'est même passé de la « feuille de vigne » du soutien parlementaire pour priver les travailleurs de leurs droits fondamentaux.
Trudeau et son ministre du Travail, Steven MacKinnon, ont concocté une « réinterprétation » de l'article 107 du Code canadien du travail pour s'arroger le pouvoir d'interdire les grèves et d'imposer l'arbitrage obligatoire à volonté, en utilisant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui n'est pas élu. Ils ont déployé ces pouvoirs dictatoriaux contre 9300 travailleurs du rail en août, et contre 2000 débardeurs à Montréal et à Vancouver début novembre.
L'élite dirigeante veut infliger une défaite décisive aux postiers, à qui elle voue une hostilité viscérale en raison de leur histoire de luttes militantes. Si elle réussissait, cela créerait un précédent pour un assaut sauvage contre les emplois et les droits sociaux des travailleurs, alors que l'élite dirigeante intensifie ses efforts pour « Amazonifier » tous les lieux de travail, dans les secteurs public et privé.
Que l'entreprise canadienne cherche à imposer ses conditions aux travailleurs des postes par une intervention briseuse de grève du gouvernement ou de l'État pour forcer directement une entente de capitulation, ou en permettant aux « forces du marché » de pousser Postes Canada à la faillite, le succès de ses plans dépend du travail inlassable du STTP et des syndicats du CTC pour isoler les travailleurs de Postes Canada qui sont en grève. Le syndicat des Teamsters en est un exemple flagrant. Le premier jour de la grève, il a publié une déclaration de « solidarité » sans valeur, promettant qu'il ne permettrait pas que les travailleurs de la filiale Purolator de Postes Canada soient utilisés comme briseurs de grève. Depuis, la bureaucratie des Teamsters est restée muette alors que Purolator, à la demande de Postes Canada, a imposé des heures supplémentaires à ses travailleurs précaires pour briser la grève, et a offert d'énormes rabais aux entreprises clientes de Postes Canada.
Le programme de guerre, d'austérité et de dictature de l'élite dirigeante
Le gouvernement libéral Trudeau soutient à fond la direction de Postes Canada, tout comme il s'est employé, tout au long de ses neuf années au pouvoir, à promouvoir les intérêts prédateurs des grandes entreprises canadiennes. Il a supervisé une croissance massive des inégalités sociales, facilitée par un assaut soutenu contre la position sociale de la classe ouvrière. En combinant les interdictions de grève, l'austérité des dépenses publiques, les sauvetages des grandes entreprises durant la pandémie et l'utilisation de la poussée d'inflation post-2020 et des hausses de taux d'intérêt pour imposer des réductions des salaires réels, le gouvernement libéral a organisé un énorme transfert de la richesse sociale du bas vers le haut.
En plus d'enrichir ceux qui sont déjà fabuleusement riches, les fonds prélevés sur la classe ouvrière par les libéraux, avec le soutien des syndicats et des néo-démocrates, ont été utilisés pour financer le militarisme et la guerre. Ottawa a dépensé plus de 12 milliards de dollars pour soutenir le régime d'extrême droite en Ukraine, qui enferme ses opposants politiques et agit par procuration dans la guerre des puissances impérialistes contre la Russie. Le gouvernement canadien soutient également le génocide israélien contre les Palestiniens et les préparatifs économiques, diplomatiques et militaires menés par les États-Unis en vue d'une guerre contre la Chine. Il dépense des centaines de milliards pour acquérir des avions de combat F-35, de nouveaux navires de guerre et d'autres armes de destruction massive.
La guerre à l'étranger va de pair avec des attaques contre les droits démocratiques à l'intérieur du pays, car les ambitions mondiales prédatrices de l'impérialisme canadien ne bénéficient d'aucun soutien populaire. Le recours à l'article 107 du Code du travail pour interdire les grèves s'inscrit dans le cadre d'un virage de la bourgeoisie canadienne vers des formes autoritaires de gouvernement.
Si la classe dirigeante réussit à faire ce qu'elle veut, le dirigeant conservateur Pierre Poilievre, qui s'est fait connaître en tant que défenseur acharné du Convoi de la liberté dirigé par des fascistes, remplacera bientôt Trudeau en tant que Premier ministre. Tout comme la victoire électorale de Trump aux États-Unis, l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement dirigé par Poilievre représenterait un réalignement violent de la superstructure politique pour correspondre à la structure réelle du capitalisme canadien contemporain, dans lequel une oligarchie financière subordonne l'ensemble de la société à sa quête de profit et de richesse.
Le rôle du STTP et du CTC, et les arguments en faveur des comités de base
Au cours des quatre dernières décennies, le STTP, le CTC et ses syndicats affiliés, Unifor et la Confédération des syndicats nationaux du Québec, ont été intégrés dans un partenariat corporatiste avec les grandes entreprises et l'État. Ce partenariat, qui s'exprime politiquement par l'alliance de la bureaucratie syndicale avec les libéraux, le parti de gouvernement préféré de l'élite dirigeante, et les néo-démocrates, a systématiquement étouffé la lutte des classes. Les syndicats ont imposé des concessions et des suppressions d'emplois massives dans l'industrie et ont saboté les luttes de masse qui ont éclaté à plusieurs reprises contre le démantèlement des services publics – notamment le mouvement anti-Harris en Ontario à la fin des années 1990, la grève des étudiants du Québec en 2012 et la grève des travailleurs de l'éducation de l'Ontario en 2022.
Postes Canada est un exemple frappant de ce processus. Le STTP a maintes fois appliqué les lois antigrève et convient que la société d'État doit être gérée comme une entreprise à but lucratif, aux dépens des travailleurs. Ainsi, la présidente du STTP, Jan Simpson, a proclamé le soutien du syndicat à la « réussite » financière de Postes Canada. « Nous reconnaissons les défis auxquels notre employeur est confronté », a déclaré Simpson dans une récente mise à jour sur les négociations syndicales, « et notre objectif est [...] de travailler ensemble pour trouver des solutions ».
Les syndicats, qui travaillent en étroite collaboration avec leurs partenaires du NPD et du gouvernement libéral, ont jusqu'à présent réussi à faire dérailler la vague de grèves qui a déferlé sur le pays depuis l'automne 2021 et qui a touché les travailleurs des secteurs public et privé, dans toutes les régions du pays. Les travailleurs ont fait preuve d'un grand militantisme, répudiant souvent les ententes de principe négociées par les syndicats. Mais en fin de compte, la caste des bureaucrates syndicaux grassement payés a isolé les nombreuses luttes, utilisant souvent l'intervention du gouvernement ou la menace d'une telle intervention pour intimider les travailleurs afin qu'ils acceptent des ententes de capitulation. Pendant ce temps, eux et leurs alliés du NPD ont continué à soutenir le gouvernement libéral alors même qu'il mène la guerre, brise les grèves et préside à l'effondrement des services publics et à l'explosion de la faim et du nombre de sans-abri.
Les dirigeants syndicaux justifient cette attitude, comme ils le font depuis plus d'un quart de siècle, en affirmant que les libéraux constituent un rempart « progressiste » contre les conservateurs, encore plus à droite. En réalité, la répression politique de la classe ouvrière n'a fait que renforcer la réaction et ouvre la voie à l'arrivée au pouvoir de Poilievre et de ses conservateurs d'extrême droite, en faisant un appel social démagogique à la colère populaire face à l'indifférence du gouvernement Trudeau à l'égard de la détresse socio-économique.
De nouvelles formes d'organisation qui correspondent aux réalités de la lutte des classes sont nécessaires : des comités de base pour mobiliser le pouvoir social de la classe ouvrière et mener une lutte politique contre le grand capital et tous ses représentants politiques, de Poilievre et Trudeau au chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon et au néo-démocrate Jagmeet Singh.
Les travailleurs des postes ont fait un grand pas en avant dans cette lutte en créant le Comité de base des travailleurs des postes. Ce comité s'efforce de redonner le pouvoir aux travailleurs dans l’atelier et d'unifier les postiers dans une lutte commune avec des sections plus larges de la classe ouvrière. En tant que membre de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base, le CBTP se bat pour unir les travailleurs de la poste et de la logistique au niveau international afin de faire face à l'assaut mondial contre leurs emplois et leurs conditions de travail mené par l'élite dirigeante dans le monde entier. Cela inclut les travailleurs de Royal Mail qui luttent contre la privatisation au Royaume-Uni et les travailleurs d’USPS qui luttent contre l'automatisation au sud de la frontière.
Pour la mobilisation politique de la classe ouvrière sur un programme socialiste et internationaliste
L'assaut de l'élite dirigeante canadienne contre les travailleurs postaux, l'abrogation du droit de grève et la décimation des services publics sont motivés par l'aggravation de la crise mondiale du capitalisme. Les contradictions insolubles qui produisent cette crise, entre le caractère mondial de la production et la division du monde en États-nations rivaux, et entre la production socialisée et le profit privé, obligent les puissances impérialistes à chercher à détruire tout ce qui reste des conquêtes sociales que la classe ouvrière a obtenues grâce aux luttes révolutionnaires de masse du siècle dernier, et à poursuivre une guerre mondiale pour le contrôle des matières premières, des réservoirs de main-d'œuvre, des routes commerciales et des territoires stratégiques.
La classe ouvrière doit opposer à cette folie une stratégie de classe qui lui est propre. La défense de l'emploi, des droits des travailleurs et des services publics passe par une attaque frontale contre la mainmise de l'oligarchie financière sur la société. Elle exige une lutte pour affirmer le contrôle des travailleurs sur les vastes richesses et les forces productives de la société – y compris les nouvelles technologies comme l'IA qui ont le potentiel d'augmenter considérablement la productivité du travail – afin qu'elles puissent être déployées pour répondre aux besoins sociaux, et non au profit privé.
Une telle transformation révolutionnaire ne sera réalisée que par la mobilisation industrielle et politique de la classe ouvrière pour s'emparer du pouvoir politique de la classe dirigeante et commencer à transformer la société selon des lignes socialistes. Le Parti de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site encouragent la construction de comités de base parmi toutes les sections de travailleurs afin de briser l'emprise étouffante des syndicats pro-capitalistes, de mobiliser le pouvoir social de la classe ouvrière contre les employeurs et l'appareil d'État qui applique leurs diktats et de lancer un mouvement pour le pouvoir politique de la classe ouvrière. Les travailleurs prêts à mener ce combat doivent rejoindre et construire le SEP en tant que direction révolutionnaire nécessaire pour mener ce mouvement sur la base d'un programme socialiste et internationaliste.
(Article paru en anglais le 6 décembre 2024)